Communiqué
Après analyse juridique, Global Witness révèle aujourd'hui que les droits pétroliers d'une société détenue à Guernesey, qui menacent un parc national protégé en République démocratique du Congo (RDC), seraient nuls et non avenus.
En février 2018, la compagnie pétrolière CoMiCo, détenue à Guernesey, a obtenu l'approbation d'un contrat signé en 2007 à l'époque d'une législation pétrolière antérieure. Comme nous l'avons révélé en mai dernier, l'un des trois blocs pétroliers octroyés à la CoMiCo empiète sur le parc national de la Salonga en RDC, la plus grande forêt humide tropicale protégée dAfrique, également classée patrimoine mondial de l'UNESCO.
Selon lanalyse de Global Witness à la lumière du contrat et de la législation pétrolière actuelle, il semblerait quau lieu de donner le feu vert tant attendu pour entamer la prospection pétrolière, l'ordonnance présidentielle signée en février 2018 ait rendu le contrat invalide.
Felix Tshisekedi a été récemment proclamé vainqueur dune élection présidentielle contestée en RDC. Tshisekedi succédera au président sortant Joseph Kabila, qui était au pouvoir depuis Janvier 2001.
« Le Président Tshisekedi et son administration doivent saisir cette opportunité daméliorer le bilan des gouvernements précédents en veillant à une adhérence stricte de la loi congolaise en matière daccords en ressources naturelles, surtout concernant la transparence autour des contrats et des bénéficiaires réels des entreprises en ressources naturelles » a déclaré Peter Jones, Responsable de campagne à Global Witness.
Selon l'analyse de Global Witness, le contrat de CoMiCo est officiellement entré en vigueur après la signature de l'ordonnance présidentielle, et il contient des clauses non conformes à la nouvelle loi portant régime général des hydrocarbures, qui date de 2015. La loi précise que tout contrat entré en vigueur après 2015 ne peut contenir des stipulations dérogeant à la présente loi, « sous peine de nullité ».
« D'après notre évaluation juridique, le contrat de CoMiCo serait à considérer comme nul, ce qui signifie que la CoMiCo ne devrait pas mener de prospection pétrolière dans ses blocs », a déclaré Peter Jones. « Toute tentative d'exploration sur la base de ce contrat créerait un dangereux précédent, étant donné que le gouvernement semble avoir bafoué ses propres lois », a-t-il poursuivi.
Plus précisément, le contrat de la CoMiCo n'est pas conforme aux dispositions de la loi 2015 pour ce qui concerne les taxes superficiaires, les taux de redevance, le profit oil et le renouvellement des permis d'exploration. Sur la plupart des points essentiels où le contrat s'écarte de la loi actuelle, la différence est à l'avantage de la CoMiCo, potentiellement au détriment des fonds publics de la RDC.
Le gouvernement congolais précédent, sous Joseph Kabila, envisageait d'ouvrir le parc national de la Salonga à l'industrie des énergies fossiles. En février 2018, le gouvernement de la RDC a annoncé la création d'une commission interministérielle chargée d'examiner la possibilité de redessiner les limites du parc, afin de « déclasser » les zones concernées par les concessions pétrolières. Cela mettrait en péril son statut de patrimoine mondial, ce qui lui ferait perdre les protections normalement accordées aux sites de l'UNESCO.
« La prospection pétrolière dans le parc national de la Salonga pourrait avoir un effet dévastateur sur l'intégrité du parc, sa biodiversité et les communautés locales qui vivent de ses ressources », a déclaré Jones. « La Salonga abrite 40 % de la population mondiale de bonobos et plusieurs autres espèces rares et menacées, et joue un rôle fondamental dans l'atténuation du changement climatique. Il est essentiel que ladministration de Felix Tshisekedi affirme lengagement de la RDC à protéger lenvironnement », a-t-il ajouté.
L'avocat de la CoMiCo conteste la façon selon lui « clairement erronée » dont Global Witness interprète les termes du contrat et le cadre juridique de la RDC. Il réfute la nullité du contrat et fait valoir que la clause de stabilisation qui y figure « prend effet suivant les conditions en vigueur en 2007 ».
Global Witness appelle le nouveau gouvernement congolais à revoir le contrat de la CoMiCo à la lumière des questions soulevées par son analyse juridique. La RDC devrait également démanteler la commission interministérielle chargée d'examiner les projets de déclassement du parc national de la Salonga ; appliquer les aspects du code pétrolier liés à la transparence, notamment en assurant la publication des contrats ; et renouveler son engagement international à protéger les sites classés patrimoine mondial en annulant immédiatement tous les blocs pétroliers ou concessions de ressources naturelles qui affectent ces sites ou leurs zones tampon.
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Notes de la rédaction
Le contrat de la CoMiCo a été signé par l'entreprise et les ministres compétents de RDC en 2007. Il a ensuite été approuvé par ordonnance présidentielle le 1er février 2018. Selon la loi pétrolière de 1981 et celle de 2015 qui l'a remplacée, un contrat ne prend effet que lorsqu'il est approuvé par une ordonnance présidentielle, ce qui, selon notre analyse juridique, affecte toute clause de stabilisation censée protéger le contrat des changements de la loi. L'article 43 de la loi 2015 dit : « Sous peine de nullité, les contrats d'hydrocarbures ne peuvent, en tout état de cause, contenir des stipulations quelconques dérogeant à la présente loi. » Selon notre analyse, comme le contrat de la CoMiCo comprenait des clauses non conformes à la loi 2015, il semblerait que l'ordonnance présidentielle l'ait rendu nul et non avenu en approuvant le texte de 2007 sans l'avoir mis en conformité avec la loi 2015.
En mai 2018, Global Witness a publié une enquête sur les propriétaires de la CoMiCo, montrant qu'à sa fondation, le 17 avril 2006, la CoMiCo était connectée à Monfort Konzi, ancien homme politique congolais et membre du Mouvement de Libération du Congo ; et Idalécio de Castro Rodrigues Oliveira, un homme daffaires inculpé par la suite, pour corruption dans laffaire brésilienne du « Lava Jato » (Lavage Express), en lien avec la vente dun bloc pétrolier. Les avocats de la CoMiCo ont déclaré que l'homme d'affaires en question n'était pas un actionnaire bénéficiaire direct ou indirect de la CoMiCo. Aujourd'hui, l'actionnariat principal de l'entreprise est caché derrière une société mandataire.
Le parc national de la Salonga est la deuxième plus grande réserve de forêt tropicale humide du monde et abrite un certain nombre d'espèces menacées ou vulnérables comme les bonobos, les éléphants de forêt, les paons du Congo, les hippopotames et les pangolins géants.
Global Witness a demandé à la CoMiCo de faire une déclaration publique dans laquelle elle s'engageait à ne pas prospecter dans les limites actuelles du parc national de la Salonga, quelles que soient les évolutions futures. L'avocat de la CoMiCo a répondu : « La position de mon client sur le parc national de la Salongo [sic] est la même que celle qu'il a déjà énoncée : il n'a pas l'intention de forer dans le périmètre du parc national. » Étant donné le risque que le gouvernement de la RDC choisisse de redessiner les limites du parc national de la Salonga pour faciliter le forage pétrolier, le commentaire de la CoMiCo est loin de constituer un engagement ferme et contraignant à rester en dehors du territoire actuel de la Salonga.
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