RDC : Constant Mutamba et les 19 millions USD de Zion Construction

Constant Mutamba, ministre congolais de la justice
Constant Mutamba, ministre congolais de la justice
PAR Deskeco - 04 juin 2025 09:21, Dans Corruption

L’affaire est devenue virale à la date de 14 mai 2025 alors que le député national Willy Mishiki saisissait l’Assemblée nationale pour une question orale avec débat au ministre Constant Mutamba et ses collègues du Budget et des Finances, Aimé Boji et Doudou Fwamba, en vue des explications sur le décaissement d’un fonds à la hauteur de 39,8 millions USD, destiné à la construction d’une maison carcérale à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo, dont le marché a été accordé de gré à gré, sans appel d’offre, à la société Zion Construction, jugée « mafieuse », sans capacité technique ni financière.

Au soir de la même date, la Primature n’a pas tardé de réagir à travers une lettre adressée au ministre de la Justice, annonçant la suspension du marché suite aux irrégularités qu’il comporte. Une semaine après, soit mercredi 21 mai 2025, le procureur général près la cour de cassation, Firmin Mvonde, se saisit du dossier, et sollicite à l’Assemblée nationale l’autorisation d’amorcer une instruction à l’encontre du ministre de la Justice. Le 29 mai 2025, l’Assemblée nationale autorise l’ouverture de l’instruction à son encontre à travers un vote majoritaire et analyse de la commission de l’Assemblée nationale.

Après autorisation de l’Assemblée nationale, Constant Mutamba va-t-il démissionner de son poste ministériel ?

Selon Maître Félicien Ilunga Kazadi, avocat au barreau de Kinshasa/Gombe, l’autorisation de l’instruction accordée par l’Assemblée nationale, 29 mai dernier, permet au procureur général près la Cour de Cassation d’instruire uniquement le dossier sans démission préalable du Ministre. C’est après réunification de tous les éléments de faits, que le procureur va ressaisir l’Assemblée Nationale pour re-solliciter une autorisation de mise en accusation.

Dans le cas où la mise en accusation est votée, le Ministre sera réputé démissionnaire, conformément à l’article 166, alinéa 2 de la Constitution en vigueur. Maître Félicien Ilunga Kazadi salue, par ailleurs, la procédure, estimant qu’elle est juridiquement conforme au droit.

Hormis le détournement présumé, le Ministre de la justice, Constant Mutamba, est aussi accusé, dans le cadre de ce projet, d’avoir accordé un marché gré à gré à la société Zion Construction, censée construire la prison, en violation de loi relative à la passation de marchés publics.

Ce que recommande la loi relative aux marchés publics

La loi relative aux marchés publics définit, à son article 41, un marché de gré à gré comme un marché sans appel d’offre, qui doit être autorisé préalablement par le service chargé du contrôle des marchés publics.  Ce rôle est dévolu à la Direction Générale du Contrôle de Marchés Publics (DGCMP). L’Autorité de régulation de marchés publics (ARMP) assure pour sa la publication de tous les marchés effectués par les services publics en RDC.  

Les dispositions de l'article 17 de la loi no 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics stipulent : "Les marchés publics sont passés par appel d'offres. Ils peuvent exceptionnellement être attribués selon la procédure de gré à gré, dans les conditions définies par la présente loi".

Et à son article 43, cette loi précise qu’un marché de gré à gré « ne peut être passé qu’avec des entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services qui ont l’expertise requise ou ont exécuté des travaux analogues dans le passé et acceptent de se soumettre à un contrôle des prix spécifiques durant l’exécution des prestations ».

Cependant, il se fait que dans le cas précis, Constant Mutamba aurait accordé le marché de construction de prison à une société ne disposant ni d’expertise ni de l’expérience, encore moins des capacités techniques et financières. Le Ministre aurait aussi payé une quotité de 19 millions $ à Zion Construction au titre des avances sur le projet. Alors que la loi fixe l’avance de démarrage à 30% du coût total des marchés des travaux.

Face à cette situation, la Première ministre, Judith Suminwa, a annoncé, le 16 mai dernier, des mesures conservatoires relatives au recours abusif à la procédure d’un marché de gré à gré. L’autorité a exigé qu’elle soit désormais informée préalablement à travers une copie d’information lui transmise par toute autorité contractante avant toute conclusion, en vue de s’imprégner de la capacité financière et statut administratif et juridique du candidat.

La cheffe du gouvernement a, par ailleurs, déploré que de nombreux contrats de marchés publics sont régulièrement conclus à travers une procédure de gré à gré, même quand les justifications avancées ne correspondent pas toujours aux dispositions fixées dans la loi relative aux marchés publics. Ce qui porte atteinte aux principes fondamentaux de transparence, d'efficacité de bonne gestion des deniers publics, ainsi qu'à la qualité de l'exécution des marchés publics.

J.-B. Leni et B. Ipan

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