La guerre économique imposée à la RDC pour le pillage de ses minerais n'épargne aucune des deux parties prenantes. Le Rwanda, par exemple, principal soutien de cette guerre à travers ses supplétifs du M23, se fait des ennemis dans la région. Certains États ont, dès le début des avancées de ces rebelles à Goma et dans ses environs, exprimé leur désaccord avec le Rwanda pour son soutien au M23. C'est notamment le cas de l'Afrique du Sud et du Burundi, bien que les autres États de la région soient restés silencieux et acceptent de jouer à l'équilibrisme diplomatique, observant attentivement cette crise qui s'amplifie au Nord-Kivu, et maintenant au Sud-Kivu.
Le Burundi, par exemple, a démontré, à travers son président, que cette guerre risque de déstabiliser toute la région. Evariste Ndayishimiye accuse ainsi le Rwanda de cette mauvaise pratique.
« Vous voyez ce qui se passe ici, tout près de chez nous ? Pourquoi ce silence ? Est-ce que la communauté internationale ne voit pas les conséquences ? Je vous dis que si ça continue comme ça, la guerre risque d'être généralisée dans la région parce que le peuple ne peut pas se laisser faire. Si le Rwanda continue à faire des conquêtes dans les territoires, et dans notre pays, je sais qu'il va arriver même au Burundi parce que je sais qu'il est en train d'entretenir de jeunes réfugiés. Un jour, il veut venir au Burundi. Nous n'allons pas accepter, la guerre sera généralisée », a alerté Evariste Ndayishimiye.
Le Burundi craint également pour son territoire à travers l'expansion du Rwanda, et l'a également accusé d'avoir fait échouer son plan pour la stabilisation de la région.
Quant à l'Afrique du Sud, les dernières conversations peu diplomatiques entre son président Cyril Ramaphosa et le président rwandais Paul Kagame sur les réseaux sociaux prouvent que les deux pays ne sont plus en bons termes sur la situation de crise dans l'Est de la RDC. Lors de cette conversation, le président sud-africain avait assimilé les forces armées rwandaises à « des milices » après la perte de soldats sud-africains en mission dans la région.
« Suite à la récente intensification des combats dans l’est de la République démocratique du Congo, l’Afrique du Sud a perdu 13 valeureux soldats dévoués à leur mission et engagés en faveur de la paix. Les combats sont le résultat d'une escalade du groupe rebelle M23 et des milices des Forces de défense rwandaises (RDF) qui engagent les Forces armées de la RDC (FARDC) et attaquent les soldats de maintien de la paix de la Mission de la SADC en République démocratique du Congo (SAMIDRC) », avait-il déclaré.
Depuis que la province du Nord-Kivu et son chef-lieu, Goma, sont sous le contrôle total du M23, l'Afrique du Sud ne cesse de condamner le soutien du Rwanda et d'apporter son soutien à la République démocratique du Congo.
Risque de perdre des aides internationales
Cette guerre ne laisse personne indifférent et embarrasse presque tout le monde. Le Rwanda, principal agent causal, craint également pour ses aides à l'investissement.
Le Rwanda court, quant à lui, le risque de voir une baisse de l'aide étrangère en raison de son soutien au groupe armé M23, comme le soutient, dans son rapport, l'agence américaine de notation S&P. Les effets sur la croissance du pays pourraient être visibles très rapidement, puisqu'ils découlent des investissements publics de Kigali, financés par des aides et prêts de donateurs. S&P se base sur la rébellion du M23 en 2012. Les coupes dans l'aide étrangère au Rwanda avaient quasiment divisé par deux la croissance du pays l'année suivante.
Le Rwanda détient également une euro-obligation de 620 millions de dollars, un emprunt qui lui permet de lever des fonds sur les marchés financiers. Une crise prolongée avec une baisse de l'aide pourrait également entraîner une dépréciation de la monnaie et une dette plus élevée.
Par ailleurs, pour sa coopération avec le Rwanda sur les minerais stratégiques, dont le coltan, le cobalt, le cuivre, etc., le monde attend également des mesures fermes de la part de l'Union européenne contre le Rwanda. La semaine passée, les ONG internationales l'ont interpellée sur la question, pour qu'elle se responsabilise, afin de ne pas se montrer complice et légitimer les atrocités du Rwanda dans la région.
L'entreprise américaine Apple avait, quant à elle, suspendu toute chaîne d'approvisionnement dans la région, mais les manœuvres judiciaires continuent contre elle. Dernièrement, des plaintes ont été déposées contre ses filiales à Paris et Bruxelles, où l'un des avocats défendant la cause de la RDC avait affirmé clairement qu'Apple s'approvisionnait en minerais du sang.
Du côté congolais, il est certain que cette crise va impacter négativement le budget de l'État pour l'exercice 2025, car une partie importante des fonds sera donc orientée vers la défense, au détriment des investissements. Cela fera stagner le développement du pays. Dans le pays, les organisations de la société civile, telles que Crefdl, appellent déjà le gouvernement de la RDC à prendre des mesures, dont le dépôt urgent d’un collectif budgétaire au Parlement, en vue de doubler les crédits alloués à la défense nationale.
Jean-Baptiste Leni