Correction de la Constitution de 2006 pour des Motifs Socio-Économiques (Tribune de Jo Sekimonyo)

Jo Sekimonyo
Jo Sekimonyo
PAR Deskeco - 15 mai 2024 08:28, Dans Actualités

La Constitution actuelle témoigne d’un compromis politique entre les factions en conflit, souvent interprété à travers le prisme d’une expertise non seulement étrangère, mais également coloniale. Par conséquent, elle renforce la paranoïa autour de l’identité nationale et perpétue la préservation du pacte colonial. Elle favorise également une centralisation du pouvoir, renforçant ainsi le contrôle sur les provinces et érigeant Kinshasa en une métropole coloniale.

D’autre part, cette constitution est marquée par des mesures vagues ou peu ambitieuses sur le plan économique et social, et elle manque de mécanismes solides pour protéger les citoyens contre les abus de l’État.

Par-dessus tout, le système de sélection des arbitres politiques instauré par cette constitution s’avère être un obstacle au développement national, puisqu’il confond les rôles des juges et des acteurs politiques.

Sachant qu’un gouvernement réactif et inclusif est nécessaire, même le président de la République se joint à nos appels en faveur de la révision de la constitution.

Voici quelques points clés du projet de constitution dont une copie a été transmise au Président de la République le lundi 13 mai 24, axé avant tout sur le développement de l’économie nationale et le bien-être de tous les Congolais, que je propose aux citoyens et dont la collecte de signatures débutera le 30 juin 2024.

Premiers pas dans la bonne direction 

Tout individu né en RDC est congolais, sans exception. De plus, la nationalité congolaise peut être détenue concurremment avec aucune autre. Les Congolais sont reconnus en tant qu’individus, pas en tant que groupes. Les limites provinciales et des entités territoriales peuvent être ajustées par la loi pour répondre aux changements socio-économiques et géographiques, mais toute modification motivée par des raisons culturelles ou politiques est interdite.

Démocratie 

Un mandat électif, du Président de la République au conseiller municipal, peut être renouvelé une seule fois ou réexercé une fois au cours de la vie. La candidature à un mandat électif est individuelle, avec la possibilité pour le candidat de désigner son appartenance à un parti politique ou un regroupement politique. Pour se porter candidat, un nombre défini de pétitions représentant 1 % des électeurs inscrits dans la circonscription est requis. Toute forme de cautionnement est prohibée.

Le vote indirect est interdit, sauf pour les membres des bureaux des institutions. Le retrait d’un mandat électif, du Président de la République au conseiller municipal, nécessite un nombre défini de pétitions représentant 10 % de tous les électeurs inscrits dans la circonscription. De plus, il est interdit de se porter candidat à plusieurs élections au cours d’une même législature.

De la CENI 

La Commission électorale nationale indépendante est composée au niveau provincial de 5 membres élus par l’assemblée provinciale. Elle est composée au niveau national de 5 membres élus par les membres du bureau provincial de la Commission Electorale Nationale Indépendante réunis en séance plénière.

Protection des Congolais 

Toute personne arrêtée doit être informée immédiatement des motifs et des accusations dans sa langue. La garde à vue est limitée à 48 heures, que ce soit par la police ou les services de sécurité. Au-delà, la personne doit être libérée ou remise à l’autorité judiciaire compétente. En cas de dépassement du délai, la victime ou sa famille peut saisir la justice pour détention illégale et demander des dommages et intérêts.

Aucune poursuite pénale n’est possible pour critique d’une autorité publique, même avec des termes désobligeants. Les membres de la presse et les artistes ne peuvent être poursuivis pour leurs opinions exprimées dans l’exercice de leurs fonctions. En cas de fautes professionnelles, la sanction est administrative et individuelle, sans jugement par leurs pairs.

Économie 

Le pouvoir central doit fixer et publier le salaire horaire minimum national chaque 20 février, ajusté au taux d’inflation de l’année précédente avec des données sectorielles. De même, chaque 20 mars, le gouvernement provincial doit établir et rendre public le salaire horaire minimum provincial, égal ou supérieur à celui fixé au niveau national, accompagné de données sectorielles. Une journée de travail est de 8 heures, avec rémunération des heures supplémentaires. Les travailleurs à temps partiel ont droit à 20 heures minimum par semaine, tandis que les travailleurs à temps plein sont limités à 40 heures, avec compensation des heures supplémentaires. Le recensement général de la population est organisé tous les 10 ans par le gouvernement central, avec publication des données dans les 30 jours suivant sa fin.

La propriété foncière inclut le sous-sol, sauf pour les étrangers qui ont un droit de concession limité à 15 ans.

L’État ne peut contracter qu’avec des entreprises enregistrées en RDC, possédées majoritairement par des Congolais.

Les entreprises extractives ne peuvent vendre directement, mais doivent passer par des filiales ou des tiers pour la vente, avec imposition des transactions. Les redevances perçues par les établissements publics sont interdites.

L’Etat VS provinces VS entités territoriales 

Les compétences exclusives du pouvoir central comprennent la défense, la monnaie fiduciaire, la justice, la poste, les affaires étrangères, les infrastructures nationales, ainsi que la réglementation de la santé, de l’éducation, des transports, de la protection de l’environnement, de la monnaie scripturale, du commerce, des communications et du développement urbain. Le gouvernement central prévoit également la collecte des impôts sur les revenus des particuliers et des entreprises.

Les provinces ont la compétence exclusive en matière de droits fonciers, d’enseignement supérieur, de police provinciale, d’infrastructures provinciales, d’immatriculation des véhicules et des bateaux, de cartes d’identité, de communication, ainsi que la régulation des industries et entreprises. Elles perçoivent les impôts sur les transactions économiques sur les services, basés sur un pourcentage de la valeur des ventes.

Les compétences exclusives des entités territoriales décentralisées incluent la police locale, les pompiers, la santé, l’enseignement primaire et secondaire, les transports publics, les services publics, l’immobilier, les infrastructures locales (notamment l’eau et l’électricité), le commerce et la protection de l’environnement. Elles réglementent également les petites et moyennes entreprises et perçoivent les impôts sur les transactions de production économique, ainsi que les impôts fonciers. De plus, elles peuvent créer des sociétés économiques mixtes pour exploiter les ressources naturelles de leur sous-sol et délivrer les permis correspondants.

Le pouvoir exécutif 

On passe d’un système semi-présidentiel à présidentiel. Le pouvoir exécutif est confié au Président de la République pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Il est élu à la majorité absolue des voix, tout comme le vice-président, pour le même mandat. Le gouvernement est constitué du Président, du Vice-Président, des ministres et vice-ministres, avec un total de 13 ministères. Les nominations présidentielles doivent être approuvées individuellement par le Sénat en session plénière.

Les gouverneurs provinciaux sont élus à la majorité absolue des voix.

Justice 

Fini les retards de jugement, plus question de des juges « frigo ». Les cours et tribunaux doivent rendre leurs décisions dans les 30 jours, sauf exceptions légales ou renvois exceptionnels, limités à une seule fois. En cas de dépassement de ce délai, en matière administrative et en matière constitutionnelle la requête est accordée au demandeur. Pour les autres, les juges concernés seront retirés du dossier et soumis à des mesures disciplinaires. Le Sénat tient compte des antécédents disciplinaires lors de la nomination des juges.

Le Bureau d’investigation nationale agira à l’échelle nationale, relevant du ministère de la justice. La Police, sous autorité civile locale, assure la sécurité publique et des biens, relevant du ministère provincial chargé des affaires intérieures.

Motivation 

Voilà quelques points de ma proposition qui expose les réformes essentielles visant à résoudre les défis économiques et sociaux critiques tout en protégeant les droits fondamentaux et à promouvoir les intérêts de tous les citoyens congolais, sous-tendue par une idéologie qui remet en question le rôle de l’État.

Cependant, le risque réside dans la possibilité que cette initiative soit détournée par des acteurs politiques congolais cherchant à renforcer leur pouvoir et à plaire au président de la République en justifiant son maintien au pouvoir à long terme.

Le mandat du chef de l’État demeure inchangé, étant donné qu’une plateforme ou un parti politique, tel que l’ANC en Afrique du Sud, peut maintenir le pouvoir pendant une longue période pour mettre en œuvre leur vision tout en changeant de candidat.

Avant tout, les Congolais doivent s’engager dans cette expérience pour redéfinir ce que signifie être Congolais, la valeur d’un citoyen congolais, notre pacte national, et surtout, ce que chacun attend de l’État. En d’autres termes, il s’agit de participer à l’élaboration d’un nouveau contrat social national par nous et pour nous.

Jo M. Sekimonyo

Écrivain, théoricien, défenseur des droits de l’Homme et économiste politique

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