Interrogé par ACTUALITE.CD sur la stagnation des négociations pour l'exploitation de 3 blocs gaziers du lac Kivu, Lewis Yola, expert en aval pétrolier et en négociation des contrats pétroliers, membre de la coalition Congo N'est Pas à Vendre (CNPAV) estime que le silence implicite du code des hydrocarbures sur le régime fiscal type propre au gaz pourrait constituer un blocage entre les 3 sociétés et les négociateurs étatiques.
En effet, c'est depuis le 13 janvier 2023 que le ministère des Hydrocarbures avait rendu public la liste des trois sociétés sélectionnées pour l'exploitation de 3 blocs gaziers du lac Kivu. Il s'agit de : Symbion Power & Red (bloc Makelele), Alfajiri Energy Corporation (bloc Lwandjofu) et Winds exploration and production LLC.
En date du 13 février 2023, le ministre Didier Budimbu signa des arrêtés de mise place de la commission de négociation pour les différents blocs gaziers.
Pour la société Winds Exploration, une durée de 37 jours était requise pour clore avec les négociations soit au plus tard le 20 mars 2023.
" (...) en d'autres termes déjà le 20 mars 2023, les négociations devraient prendre fin et dans les 15 jours suivants la fin de négociation le peuple congolais dans sa globalité allait être informé sur comment les revenus gaziers allaient être répartis entre les différentes parties prenantes donc pour dire que le 17 mars 2023 au plus tard devrait être la fin du périple l'État Congolais et la Société Winds Exploration malheureusement jusqu'à présent rien ne semble évoluer", explique Lewis Yola.
Il a, ensuite, fait savoir que les négociations avec les 3 sociétés avaient été lancées par la vice-ministre des mines le 9 mai 2023 "en déphasage temporel avec l'arrêté instituant le début de négociation, à la surprise générale", dit-il.
L'expert Lewis Yola remarque qu'à ce jour la situation de négociation reste tout un mystère pour l'ensemble de la population "malgré le fait que le timing de négociation et publication est réglementé dans les articles 60 à 80 du règlement des hydrocarbures", répond-t-il.
Il martèle que le problème serait situé au niveau de la fiscalité à adopter dans le contrat.
"Étant donné que la loi reste muette sur la fiscalité gazière, pour l'État la fiscalité pétrolière doit être aussi rabattue au Gaz, une pillule que les sociétés ne veulent pas avaler. Pour l'instant la question devrait être débattue au conseil des ministres pour un compromis", pense-t-il.
Autre hypothèse, selon cet expert de la coalition CNPAV, "l'incapacité financière et technique pour certaines sociétés sélectionnées pourrait également faire objet du blocage du processus de négociation."
"Selon les éléments à notre possession ALFAJIRI sélectionnée pour exploiter le Bloc Lwandjofu par exemple ferait à l'État Congolais l'aboutissement de sa campagne d'appel de mobilisation des fonds", alerte Lewis Yola.
Au regard de ces éléments de blocage qui freinerait l'exploitation de gisements gaziers de la RDC, Lewis Yola invite le président de la République Félix Tshisekedi à une "implication concomitante pour réévaluer le cas de l'ALFAJIRI" qu'il estime incapable d'assumer une clause contraignante pour débuter l'exploitation de l'opulent bloc Lwandjofu.
Quel régime fiscal adopté ?
Concernant la distanciation des points de vue par rapport au régime fiscal à adopter pour le contrat gazier, l'expert signale que la République Démocratique du Congo n'est pas à son premier contrat gazier, déjà en 2021 via le neuvième avenant Onshore, Perenco-Rep et l'État Congolais s'étaient mis en accord sur les termes fiscaux d'exploitation du gaz méthane dans le bassin côtier. "Cela peut constituer une source d'inspiration aux différents négociateurs tant sur le plan fiscal et d'usage", conclut-il.
Il estime les pertes qu'encourt la RDC à 1 milliard USD si l'opacité qui caractérise le processus d'attribution et négociations des blocs pétroliers et gaziers n'est pas levée.
Jordan MAYENIKINI