L’Agenda 2030, adopté en 2015 a permis de mettre en place un programme ambitieux qui va au-delà des OMD. Outre les priorités de développement considérés dans les OMD, notamment l’élimination de la pauvreté, la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire et la nutrition, l’Agenda 2030 est un vaste éventail d’objectifs économiques, sociaux et environnementaux (ONU, 2015).
Les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) qui en constituent la trame, assortis de 169 cibles, adossées sur 232 indicateurs, sont intégrées, indissociables et concilient les trois dimensions du développement durable: économique, sociale et environnementale. Il ne fait aucun doute que l’adoption des ODD a un impact sur les politiques publiques des pays. Héritée de la mise en œuvre des OMD, la planification actuelle ne convient pas pour analyser et élucider les effets dynamiques des interdépendances entre les ODD.
En effet, les 17 ODD sont décrits comme intégrés (Nations Unies 2015 ). Cela implique que les ODD et l’efficacité des politiques visant à les atteindre dépendent les uns des autres. Les efforts de mise en œuvre qui isolent les ODD un par un et négligent ces interdépendances systémiques peuvent difficilement porter des fruits. Ainsi, pour Le Blanc, D. (2015), les objectifs et cibles proposés peuvent être considérés comme un réseau, dans lequel des liens entre les ODD existent via des cibles qui se réfèrent à plusieurs ODD. De ce fait, décrire la trajectoire dans la mise en œuvre des ODD suppose une compréhension de la manière dont les 17 ODD peuvent être opérationnalisés. Chose qui n’est toujours pas évidente. Néanmoins, des travaux récents ont essayé d’identifier des domaines ou un certain nombre de question transversale dans la mise en œuvre des ODD.
Schmidt-Traub, G. (2015), dans son estimation des besoins d’investissement pour l’atteinte des ODD, a proposé un cadre analytique pour l’évaluation des besoins en investissement qui traduit les 17 ODD en huit domaines distincts. Sachs, J. et al. (2019) ont, quant à eux, introduit six domaines de transformation dans la mise en œuvre des ODD: (i) éducation, genre et inégalité; (ii) santé, bienêtre et démographie; (iii) décarbonisation de l’énergie et industrie durable; (iv) alimentation, terre, eau et océans durables; (v) villes et collectivités durables; et (vi) révolution numérique pour le développement durable. Chaque transformation identifie les investissements prioritaires et les défis, appelant à des actions par des parties bien définies. Mais ces travaux précurseurs, bien qu’innovants ne montrent pas clairement comment les ODD peuvent être opérationnalisés dans les politiques et stratégies publiques.
Dans cette même perspective, le Millenium Institute a mis en place un modèle intégré pour les stratégies proODD (iSDG). Ce modèle permet aux décideurs et aux responsables de la planification de comprendre l’interdépendance des politiques conçues pour atteindre les ODD et de tester leurs impacts probables avant de les adopter (Collste, D. and al., 2017). Dans la même ligné, El-Maghrabi, M. et al. (2018) présente une méthodologie qui peut aider les décideurs politiques à hiérarchiser les cibles des ODD dans leurs plans de développement, compte tenu des indépendances entre eux. Chaque pays doit mettre en place un mécanisme propre de mise en œuvre des ODD, compte tenu de son contexte et niveau de développement.
La République Démocratique du Congo (RDC), étant partie prenante de ce nouvel Agenda, met en œuvre les ODD depuis 2015. Pour la RDC, il en ressort que le pays a enregistré des performances ou est surperformant en ce qui concerne, notamment l’ODD 4 sur l’éducation. Les progrès hérités des OMD y sont pour quelque chose. Bien que n’ayant pas atteint tous les OMD, la RDC avait enregistré des bonnes performances dans l’accès à tous à l’éducation.
Toutefois, en comparaison aux pays similaires (revenus faibles et post-conflits) ces performances sont à nuancer, étant donné que certains pays ont des résultats très meilleurs. Par ailleurs, un travail supplémentaire est requis pour améliorer davantage la qualité de l’éducation. Il en est de même de l’ODD 7 sur l’accès à l’énergie par tous. 30% des congolais ont accès à l’électricité. Comparativement à son niveau du RNB par habitant cela peut être considéré comme une performance mais le niveau reste relativement bas au niveau africain de 45%. Aussi, au regard des atouts que dispose les pays en termes des sources d’énergie, ces performances s’avèrent non conformes. Les baisses récentes de la mortalités maternelles et infantiles ainsi que l’élargissement de la vaccination seraient à la base de la performance en matière de la santé (ODD 3). Les performances en matières de la lutte contre les inégalités (ODD 10) méritent aussi d’être indiquées. En effet, le pays enregistre une hausse rapide des revenus des 40% les plus pauvres par rapport au reste de la population.
Hormis ces quelques performances, la RDC accuse une contre-performance dans 9 Objectifs du développement durable sur les 17. Il s’agit de l’ODD 1 sur la pauvreté, qui du reste est multidimensionnelle, de l’ODD 5 sur l’égalité entre les sexes (par exemple, moins de 15% de députés et sénateurs sont des femmes), de l’ODD 6 sur l’accès à l’eau potable, de l’ODD 8 sur l’emploi et la croissance économique, de l’ODD 11 sur les villes et communautés durables, de l’ODD 12 sur la consommation et production durable, de l’ODD 13 sur la lutte contre les changements climatiques, de l’ODD 14 sur les écosystèmes marins, et l’ODD 16 sur la paix, justice et institutions efficaces (le pays est en proie des conflits depuis plus de deux décennies).
De ce qui précède, il ressort globalement que les performances de la RDC en matière des ODD sont mitigées. Le pays devra mettre en place des mesures accélératrices et correctrices pour espérer atteindre les ODD à l’horizon 2030.Les projections établies montrent qu’au rythme actuel de progrès, la RDC enregistrera des sous-performances dans plusieurs ODD. Des progrès peuvent être enregistrés, liés essentiellement à l’évolution du RNB per capita. Mais ils restent insuffisants pour réaliser les ambitions et sont inférieurs aux niveaux requis au regard du RNB per capita projeté.
Ces contreperformances sont en grande partie dues à un faible niveau initial des ODD. Pour la plupart d’indicateurs, cela signifie que la réalisation des ambitions mondiales nécessiterait une rupture du schéma actuel, en agissant notamment pour accélérer la croissance, au-delà de ce qui est projeté ou une augmentation significative du soutien extérieur.
Tribune tirée du Rapport 2021 de la Banque centrale du Congo qui a repris ici des larges extraits du rapport du Coordonnateur National, Observatoire Congolais du Développement Durable (OCDD).
