Le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL) a effectué, de mai à août 2023, un contrôle citoyen sur l’utilisation des fonds affectés au Programme de développement local des 145 Territoires (PDL-145T). Ce rapport d’enquête est le deuxième après celui publié en Janvier dernier, consacré à la passation des marchés publics. Après constats et analyses, 18 mois après le décaissement des fonds du gouvernement, le CREFDL relève que le PDL-145T est une chance pour la République démocratique du Congo pour permettre à la population de bénéficier des services sociaux de base, notamment l’accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation, aux soins de santé de qualité et acte administratifs.
Toutefois, déplore ce centre, ce programme du gouvernement est exécuté « en violation des principes de la décentralisation, adoptés par les Congolais dans la Constitution, des principes de la libre administration des provinces, de la Loi relative aux finances publiques, du manuel révisé des procédures et du circuit de la dépense publique ainsi que de développement local ».
Selon le rapport de contrôle citoyen parvenu ce mardi 19 décembre 2023 à DESKECO.COM, le CREFDL révèle que l’exécution du PDL-145T est caractérisée par « le recours abusif à la procédure d’exception pour décaisser 672,4 millions USD au profit des trois agences d’exécution (PNUD, CFEF et BCECO). Cette attitude du ministère des Finances laisse échapper aux différents contrôles instaurés par la chaîne de la dépense, des opérations dont l’exécution est subordonnée à l’émission des Ordres de Paiements informatisés (OPI), seul document attitré pour autoriser la BCC à débiter le compte général du Trésor ».
Le CREFDL estime que ces fonds publics sont gardés dans des banques commerciales, alors que la loi relative aux finances publiques prône l’unité de caisse et de trésorerie par une centralisation des fonds publics du pouvoir central sur le compte général du trésor ouvert chez le caissier de l’Etat. Pour cette structure de la société civile, « le montant de 162 millions USD des DTS du FMI affectés à l’électrification rurale n’est pas retracé et aucun projet n’a été exécuté. Alors que la population attendait 418 mini centrales solaires et 471 km d’éclairage public ». Le CREFDL fait constater que les travaux de réhabilitation de 8.844 km des voies de desserte agricole et 30.091,5 km pour les travaux d’entretien n’a pas commencé par manque de financement.
Auditer l’utilisation des fonds affectés à la mise en oeuvre du PDL-145T
Dans ce rapport, le CREFDL relève aussi « du gaspillage des ressources. Aucune école ni centre de santé ou encore un bâtiment administratif n’a été construit au coût annoncé dans le programme. Selon nos enquêtes, les ingénieurs ont déclaré que le coût de construction varie entre 100.000 et 150.000 USD et se diffère par zone géographique. Ainsi, la comparaison entre les coûts du programme et de mise en oeuvre creuse un manque à gagner de près de 250 millions USD ».
Autre chose, sur un total de 2.143 infrastructures attendues, les agences d’exécution ont livré au gouvernement un total de 311, soit un taux d’exécution de 14,5% à fin août 2023. Se basant sur les annonces des trois agences d’exécution, CREFDL révèle que 1.523 infrastructures de base, dont 865 écoles, 567 centres de santé et 91 bâtiment administratifs pourraient être livrés au gouvernement d’ici avril 2024, soit un taux de réalisation de 71,5% par rapport aux prévisions de la première phase. CREFDL a épinglé par ailleurs un « défaut de suivi au niveau des ETD. Le comité provincial et territorial de suivi ne fonctionne pas, faute de moyens financiers. D’après le rapport de gestion de DTS de juin 2023, 34 241 412 USD ont été mis à la disposition du programme pour activer le suivi. L’enquête n’a pas trouvé d’indice de l’utilisation de ces montants ».
Pour pérenniser les acquis du programme, CREFDL pense que l’implication de la Caisse nationale de péréquation dans la mise en oeuvre du programme aurait un impact considérable. D’autant plus que cela consisterait à l’installation en même temps au niveau local des organes étatiques de gestion et suivi des projets, conformément à l’article 181 alinéa 2 de la constitution. Etant donné que les agences d’exécution ad hoc sont appelées à fermer à la fin du programme, le gouvernement devrait mettre en place un mécanisme transitoire pour permettre à la CNP de s’installer.
Au regard de ce qui précède, CREFDL formule des recommandations aux uns et aux autres. Aux organes de contrôle (Cour des Comptes, Inspection générale des finances et l’Autorité de régulation des marchés publics), cette Asbl recommande d’« auditer l’utilisation des fonds affectés à la mise en oeuvre du PDL-145T ».
À la population, CREFDL exige de « s’approprier le PDL-145T et accroître le contrôle citoyen pour éviter son échec ».
Bienvenu Ipan