RDC : Mme Malangu Kabedi face à 5 challenges de la Banque centrale

Mme Malangu Kabedi Mbuyi, gouverneur de la BCC
PAR Deskeco - 21 juil 2021 08:43, Dans Finances

Investie depuis le 19 juillet 2021 par le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, Mme Malangu Kebedi Mbuyi (photo) trône désormais comme gouverneure de la Banque centrale du Congo (BCC) succédant à Déogratias Mutombo Mwana Nyembo.

Le mandat de Mme Malangu coïncide avec l’approbation, le 15 juillet 2021, par le Conseil d’administration du FMI du Programme économique triennal du gouvernement congolais soutenu par une Facilité de crédit élargie de 1,52 milliard USD à décaissées en 7 tranches entre juillet 2021 et juillet 2024.

Autant dire que Mme le gouverneur de l’Institut d’émission arrive à point nommé car le challenge pour la RDC est de réussir la mise en œuvre de ce Programme économique, sous l’assistance technique du FMI, dans l’optique de maintenir la stabilité macro-économique et placer la RDC sur la voie d’une croissance durable et inclusive, centrée sur l’amélioration du capital physique et humain et sur une gouvernance solide.

A noter qu’étant gouverneur de la BCC, Mme Malangu est d’office la représentante titulaire de la RDC au FMI alors que le ministre des Finances, lui, est le représentant suppléant. Autant dire que c’est la banque centrale qui est au centre de la mise en œuvre de cet accord formel signé avec le FMI et qui est assorti de plusieurs conditionnalités tant Quantitatives que qualitative.

Dès lors, le premier challenge de la nouvelle haute direction de la BCC sera de tout mettre en œuvre, en tant que conseiller économique et financier du gouvernement, pour que les engagements que les dirigeants congolais ont pris avec cette institution financière internationale soient respectés et aboutissent in fine au succès de ce programme économique triennal.

Le deuxième challenge reste de maintenir la stabilité de la monnaie nationale, le franc congolais, face aux principales devises étrangères dont le roi dollar. Ici, l’enjeu du maintient de cette stabilité est d’abord de préserver le pouvoir d’achat des congolais par un pays où les transactions marchandes sont hyperdollarisées. Surtout que jusque-là, pas grand-chose n’est fait par le gouvernement pour améliorer les salaires tant des fonctionnaires de l’Etats que des enseignants ou des policiers et milliardaires des FARDC.

Le troisième challenge est de poursuivre les réformes au sein de l’Institut d’émission. C’est le principal conseil d’ailleurs que son prédécesseur, Déogratias Mutombo, lui a suggéré lors de la cérémonie de remise et reprise.  

« La BCC est en pleine mutation avec des réformes structurelles en quasi-permanence qui portent sur plusieurs domaines : gouvernance de la banque, cadre opérationnel, approfondissement du marché financier, différents cadres réglementaires régissant les établissements financiers… Il est important de poursuivre ces réformes pour obtenir une banque centrale financièrement solide, autonome, une BCC aux capacités organisationnelles qui soit à même de contribuer à la stabilité financière, au financement de l’économie pour l’émergence de notre pays », a déclaré Déogratias Mutombo alors qu’il s’adressait à Mme le gouverneur entrant de la BCC à l’issue de la cérémonie de remise et reprise.

Le quatrième challenge reste d’obtenir du gouvernement la recapitalisation de la Banque centrale du Congo. Le capital de la BCC est totalement désuet et doit être approvisionné à juste titre. La question de la sous-capitalisation de l’Institut d’émission a été posée au gouvernement depuis quelques années.

Pendante depuis quelques années, la question de sous-capitalisation de la BCC avait été abordée notamment en 2018 à la Commission ECOFIN de l’Assemblée nationale. « À défaut de se réaliser intégralement en 2019, la recapitalisation peut être étalée sur deux exercices budgétaires, 52 milliards de FC en 2019 et 52 autres milliards de FC en 2020 », suggérait le député Jean-Luc Mutokambali, président de la Commission Ecofin de l’Assemblée nationale dans son rapport approuvé par la plénière à la session de septembre 2018.

Depuis, rien n’a été fait jusqu’à ce jours. Lors de la cérémonie de remise et reprise à la BCC le lundi, le ministre des Finances a laissé entendre qu’une commission travaillait déjà sur cette question. A noter que la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Banque centrale du Congo indique que son capital social doit être réévalué à 213 milliards de francs courants, soit environ 106 millions USD. Le capital actuel de l’Institut d’émission n'est que de 60 FC.

Amorcer la dédollarisation de l’économie nationale, c’est le 5ème challenge. Ce chantier doit être ouvert et Mme Malangu devrait engager la Banque centrale dans ce challenge pour qu’enfin la banque des banques joue son rôle d'autorité monétaire. Pour autant, la dédollarisation d’une économie ne se fait pas en une année mais plusieurs années voire même une dizaine d’années, selon les expériences réussies.

La RDC avait entrepris un projet de dédollarisation en 2012 mais qui n’a jamais abouti suite à plusieurs contraintes. En effet, au total, 22 mesures avaient été retenues dans le cadre de ce projet de dédollarisation, réparties en trois grands axes, pour lutter contre chaque forme de dollarisation de l’économie congolaise (mesures fiscales, budgétaires, monétaires et de change, mesures sur les prix, etc.).

Sur ces vingt-deux (22) mesures arrêtées par l’équipe interinstitutionnelle en charge du projet Dédollarisation, seules sept (7) mesures ont été exécutées (31,8 %) et quinze (15) restent encore non réalisées (68,2 %). Les causes des échecs des tentatives de dédollarisation en RDC procèdent de problème d’appropriation des mesures par les acteurs (Institutions publiques essentiellement) et d’application effective des mesures de dédollarisation (tendance à revenir sur les anciennes pratiques et sur les mesures paiements des résidents en devises).  L’autre contrainte signalée c’est le déficit structurel de la balance courante (sorties nettes des devises ayant un impact sur la valeur externe de la monnaie).

Voilà autant des pistes pour Mme Malangu Kabedi Mbuyi de faire de la Banque centrale une institution crédible et pilier du développement du secteur financier en République démocratique du Congo.

Amédée Mwarabu

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