RDC : Albert Yuma pousse F. Tshisekedi à recruter un cabinet international pour réclamer 6,5 milliards USD de perte de l’Etat dans les joint-ventures entre la Gécamines et les multinationales

Albert Yuma pose avec le Bureau du CES
PAR Deskeco - 05 mai 2021 09:01, Dans Actualités

Photo de famille avec le bureau du CES, au milieu Abert Yuma avec à sa gauche Jean-Pierre Kiwakana, président du CES. 

Pour le président de la FEC et président du Conseil d’administration de la Gécamines, ce qu’il qualifie d’injustice doit être corrigé pour permettre l’Etat Congolais de rentrer dans ses droits par rapport aux joint-ventures « déséquilibrées » signées au début des années 2000 entre la Gécamines et les multinationales minières.

Au-delà des déséquilibres structurels dans les joint-ventures signées entre la Gécamines et ses partenaires miniers, les pratiques de gestion industrielle et financière de ces multinationales tendent à réduire les bénéfices pour l’Etat Congolais en maximisant leurs revenus et à écarter les acteurs économiques locaux. C’est le credo d’Albert Yuma, président du Conseil d’Administration de la Gécamines et président de la FEC, qu’il a démontré lors de la séance académique tenue le lundi 3 mai au Conseil économique et social, sous la direction de Jean-Pierre Kiwakana, président du CES.

« Notre pays a été systématiquement pillé et aucun de nos partenaires, ni les ONG pourtant traditionnellement donneuses de leçons en matière de morale, n’ont osé attaquer, ni critiquer ce drame économico-financier », a dénoncé le PCA de la Gécamines devant les Conseillers de la République dans son exposé intitulé « Les enjeux du Code minier révisé ».

Selon les informations révélées par le patron de la FEC, la République démocratique du Congo a été roulée sur toute la ligne dans les contrats conclus par la Gécamines, société d’Etat, avec les premières multinationales qui ont investi dans les mines Congolaises entre 1996 et 2009.

Un drame économico-financier

« Le déséquilibre initial, notamment contractuel, se retrouvera hélas très rapidement dans les résultats négatifs de la majorité des partenariats, se caractérisant par une situation d’endettement, parfois extrême et pour certains par une situation dite de « sous-capitalisation », obérant toute possibilité de distribution de dividendes à court ou moyen terme pour les partenaires des entreprises publiques du portefeuille de l’Etat », a-t-il soutenu.

Plus concrètement, Albert Yuma situe la première cause dans les dépenses d’investissement de ces multinationales qui étaient en hausse de 170% en moyenne par rapport aux études de faisabilité. « Sur cinq partenariats en activité TFM – BOSS MINING, KCC – RUASHI et KIMIN, au moment de notre étude réalisée par Ernst and Young Paris, la moyenne du dépassement du coût des infrastructures constatée par rapport aux études de faisabilité a été de 170%, soit 2,7 fois le prix initial. Pour que mon propos soit bien clair, si une usine devait coûter 1 milliard dans l’étude, dans les faits son coût fut de 2,7 milliards en moyenne », a expliqué Albert Yuma.

Ce dépassement, à l’en croire, a entrainé tout d’abord des emprunts supplémentaires et donc des charges financières en augmentation ainsi que des charges d’amortissement non prévues, double phénomène venant notamment réduire le résultat net annuel. Il ajoute que comme l’emprunt initial est bien plus élevé, outre les intérêts, il faut également rembourser plus de principal ce qui prive la société de trésorerie disponible en cas de résultat positif. A noter que la Banque Mondiale note que les dépassements de 25% sont monnaie courante partout dans le monde. Ce qui veut dire que 6,8 fois moins que ceux constatés en RDC.

Une deuxième cause de ce montage financier qui prive la partie congolaise de bénéficier des dividendes, selon Albert Yuma, ce sont des dépenses de financement qui étaient en hausse de 200% en moyenne dans ces joint-ventures.

« Sur les partenariats précités, la moyenne du dépassement des frais financiers a été de 200%, soit trois fois les estimations initiales. Cela veut dire que les intérêts d’emprunt payés, sont trois fois supérieurs aux prévisions, ce qui a pu atteindre dans certains partenariats 700 millions de dollars au lieu de 230 millions, sur un milliard et demi de chiffre d’affaires. Tout le monde comprendra aisément que ces dépassements ont entrainé des charges annuelles supplémentaires venant réduire à néant, quand elle existait, la marge opérationnelle liée à l’activité et donc le bénéfice potentiel », a soutenu Albert Yuma qui estime que les premiers bénéficiaires de cette situation sont les prêteurs qui sont le plus souvent liés au partenaire étranger dans la JV.

6,5 milliards USD de perte pour l’Etat entre 2008 et 2016

Tout aussi, la troisième cause seraient les charges opérationnelles qui étaient en hausse de 95% en moyenne. Il explique : « Sur les partenariats précités, la moyenne du dépassement des charges 14 opérationnelles a été de 95%, soit presque deux fois les estimations initiales. Ce dépassement a entrainé des charges annuelles supplémentaires venant réduire d’autant la marge opérationnelle liée à l’activité et donc le bénéfice potentiel. Il est important de noter que souvent les bénéficiaires de cette situation, sont les partenaires eux-mêmes à travers des sociétés du groupe, qui bénéficient des contrats de sous-traitance. Cette situation, dans laquelle aucun des principaux paramètres initiaux des études de faisabilité ont été respectés et grâce auxquels toutes les liquidités générées par les projets ont été diverties au profit des prêteurs ou des sous-traitants, fait un système qui se retrouvent dans tous les partenariats quasiment à l’identique. Un système où l’ensemble de la chaine de valeur du projet – vit du projet, garantit le projet, mais où tant l’impôt sur les sociétés, que l’impôt sur les valeurs mobilières au profit de l’ETAT, que les dividendes de GECAMINES sont réduits à néant ou fortement limités par rapport à ce qu’ils auraient dû être ».

Selon les projections d’Albert Yuma, voici ce qu’auraient dû être les revenus de la Gécamines, dans l’hypothèse où les coûts d’exploitation et d’investissement auraient été similaires à ceux estimés dans les études de faisabilité, : « -L’exploitation minière aurait dû permettre de générer des résultats nets positifs dès les premières années d’exploitation permettant ainsi à l’ETAT d’encaisser des revenus fiscaux significatifs (impôts sur les bénéfices, impôts sur les valeurs mobilières), soit près de 3,3 milliards USD supplémentaires. -La GECAMINES auraient pu bénéficier de dividendes estimés sur la période 2008-2016, estimés à 1, 4 milliards USD ».

Tout compte fait, sachant que la production des partenariats de GECAMINES représente plus de 50% de la production annuelle de cuivre et de cobalt de la RDC, Albert Yuma évalue la perte pour l’Etat autour de 6,5 milliards de dollars sur la période 2008 à 2016. Par ailleurs, il a précisé que cela ne vaut que pour le secteur du cuivre et du cobalt. Il faudrait surement auditer les autres secteurs de la production industrielle et particulièrement l’or pour en évaluer la perte aussi. Et donc pour réparer cette injustice, il conseille l'Etat Congolais de recruter un cabinet d'audit international pour enquêter sur ce "drame économico-financier".

DESKECO

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