RDC - Dette publique : Les Congolais sont frustrés par la mauvaise chose, de la mauvaise manière, au mauvais moment (Tribune de Jo Sekimonyo)

Jo Sekimonyo
Jo Sekimonyo
PAR Deskeco - 13 avr 2024 09:14, Dans Analyses

Il est légitime de se poser cette question : si les Congolais, plutôt que de réagir frénétiquement, pouvaient simplement consulter Google pour découvrir les pays les plus endettés et l'ampleur de leurs dettes, quelles révélations obtiendraient-ils ?

En janvier 2022, s'offrirait à eux une liste de dix pays, classés selon leur dette nationale totale, révélant des chiffres approximatifs. Les États-Unis, en tête, affichent une dette colossale d'environ 28,5 billions de dollars, suivis par le Japon avec environ 12,5 billions de dollars, la Chine avec environ 9,5 billions de dollars, l'Italie avec environ 3,1 billions de dollars, la France avec environ 2,9 billions de dollars, le Royaume-Uni avec environ 2,9 billions de dollars, l'Allemagne avec environ 2,6 billions de dollars, l'Inde avec environ 1,4 billions de dollars, le Brésil avec environ 1,3 billions de dollars, et le Canada avec environ 1,1 billions de dollars.

Cela souligne l'insignifiance de la dette de 10 milliards de dollars de la RDC. Pour éclaircir ce point, il est frappant de constater que la France, plus petite et moins peuplée que la RDC, supporte une dette 300 fois supérieure. De même, le Brésil, non considéré comme un pays développé, porte une dette 130 fois plus importante.

Cependant, au-delà de ces chiffres, émerge une réflexion plus profonde. La modeste dette congolaise pourrait-elle témoigner de l'incapacité du gouvernement à contracter ou concocter davantage de dettes ? Une question qui, à la base, devrait être le fondement de nos frustrations. Pour certains, c’est simplement un signe que le destin nous guide vers une voie différente, moins tapissée d'or mais aussi moins chargée de fardeaux financiers. Ceci révèle une dimension primitive de l'idéologie en matière de politique économique.

Il est également important de souligner que Joseph Kabila est acclamé pour de mauvaises raisons. En réduisant la dette nationale, il a montré simplement son incapacité à savoir comment utiliser l'argent à bon escient, avoir un impact sur la poche des congolais, révélant ainsi une similitude fondamentale avec Tshisekedi, bien que sous des apparences différentes de bien et de mal. En plus, de même pour Tshisekedi aujourd’hui, Kabila avait fait preuve d'une certaine immaturité dans la compréhension des concepts de développement économique moderne et de transformation sociale, tout en s'entourant des pygmées intellectuels et des « cowboys » fatigués.

En fin de compte, je dois dire que nous devrions nous réjouir de l'insignifiance du niveau actuel de la dette nationale. Cette somme relativement modeste a été, en réalité, gaspillée ou dirigée vers des personnes et des initiatives qui n'ont aucune pertinence pour l'économie nationale, voire, de manière plus critique, pour la vie des Congolais vivant en RDC.

Toutefois, il y a cette résonance troublante dans la façon dont Tshisekedi évite de contracter des emprunts directs, ce qui revêt la même gravité que celle de Kabila à son époque. Nous subissons encore l'hypothèque par Kabila de la GECAMINE et la MIBA, sans se soucier de la sécurité économique nationale, ce qui a enrichi Moïse Katumbi et a fait d'un Juif un milliardaire, Dantler. Tshisekedi emprunte la même voie en signant des contrats qui cèdent aux étrangers le contrôle des aspects cruciaux de l'économie nationale à long terme. Hélas, les accords passés avec Kagame se retournent contre lui, causant des pertes en vies humaines congolaises.

Le murmure ne porte guère de fruit

Un ensemble complexe de facteurs souvent conduit les citoyens à tolérer l'inaction ou les erreurs de leurs dirigeants sans exiger de comptes. On avance souvent que la pauvreté pousse les individus à privilégier leurs besoins immédiats plutôt que leur participation politique, permettant ainsi aux dirigeants d'éviter leurs responsabilités et de gouverner sans efficacité. Mais cet argument, voire cet engourdissement, alors que les dirigeants et les institutions gâtent les moyens mêmes de lutter contre la pauvreté, comme c'est le cas en RDC, est-il vraiment valable ?

Les héritages des régimes autoritaires peuvent instiller du cynisme et de la résignation, sapant ainsi la confiance envers le système politique. De plus, une gouvernance inefficace entrave souvent la participation citoyenne. Cependant, il est difficile de voir comment cela s'applique au contexte de la RDC, où la plupart des gens n'ont pas vécu sous la dictature de Mobutu et où des élections récentes ont eu lieu pendant lesquelles les émotions et le tribalisme ont jouer un rôle plus important que le cynisme.

Ce paradoxe met en lumière l'interaction complexe entre la perception et la réalité dans le domaine du leadership et de la gouvernance.

Devrais-je rappeler que lors de son premier discours à la tête de l'Union africaine, le président Tshisekedi questionnait le fait que les habitants des pays pauvres comme la RDC possèdent les connaissances ou les moyens de contester l'autorité, mais qu'ils se résignent à accepter le statu quo ou simplement murmurer, permettant ainsi aux dirigeants de continuer à se relâcher, gaspiller les fonds publics et abuser de leur pouvoir en toute impunité.

Qui sont actuellement aux commandes du navire ?

J'étais réjoui d'apprendre que l'avidité du Rwanda l'a propulsé au premier rang des exportateurs de coltan, le rendant ainsi plus vulnérable, ou disons, le plaçant ainsi à la merci de la RDC. Pourtant, malgré des années d'attente, nous restons dans l'espoir qu'un individu aura le courage d'appuyer sur le bouton vert, d'initier une guerre économique, l'ingrédient essentiel pour mettre fin au désastre dans l'Est.

Moins focalisé sur la destination à long terme, je suis profondément intrigué par le calme apparent ou le manque de sens de l'urgence observé actuellement.

Le constat est sans appel : le gouvernement est démissionnaire, le Parlement semble stagner, et chacun semble s'acharner à obtenir sa part du gâteau gouvernemental. Tout cela se déroule alors que le Sénat est inexistant et que les membres de la Cour constitutionnelle, les garants moraux de la nation, sont en fin de mandat. Cette situation soulève des questions cruciales sur l'orientation actuelle du pays ainsi que sur la motivation de ceux qui se sont portés volontaires, se sont battus ou ont achetés leur place pour être ceux qui rassemblent le puzzle institutionnel.

En aboyant à contretemps, sur un ton inapproprié, à un moment inopportun, les Congolais semblent immunisés contre l'Injustice, l'Inefficacité et l'Inopportunité.

Cela signifie que la contre-élite, les libéraux congolais ont du pain sur la planche.

Jo M. Sekimonyo

Écrivain, théoricien, défenseur des droits de l’Homme et économiste politique

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