RDC : plus de 80% des dépenses publiques ne sont pas comptabilisées (Jean Pierre Samolia de COREF)

comptabilité
PAR Deskeco - 22 sep 2020 09:13, Dans Actualités

Selon cet expert, le comptable public n’est pas positionné dans la chaine de la dépense. Conséquence : plus de 80% des dépenses publiques ne sont pas comptabilisées parce qu’exécutées par des procédures exceptionnelles en violation de la loi relative aux finances publiques.

Il n’existe pas des écritures comptables pour la grande majorité des dépenses de l’Etat et des institutions publiques. La raison est que non seulement le comptable public n’est pas positionné dans la chaine de la dépense mais aussi du fait que la grande majorité des dépenses publiques sont exécutées selon des procédures exceptionnelles.

Cette lacune dans la gestion des finances publiques a été relevée par Jean Pierre Samolia, Assistant technique au COREF (Comité d’Orientation de la Réforme des Finances Publiques, au cours de l’atelier qu’organise l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) en partenariat avec le COREF qui se tient du 21 au 26 septembre 2020 à Kinshasa au CEPAS. Cet atelier renforce les capacités des organisations de la société civile (OSC) dans le monitoring de la politique financière et le processus budgétaire dans le secteur.

« La plus grosse partie des dépenses publiques, ce sont les rémunérations. Les rémunérations aujourd’hui représentent plus de 80% par rapport aux recettes internes. Les rémunérations sont exécutées selon une procédure exceptionnelle. Toutes les dépenses qui sont engagées, liquidées et ordonnancées passent d’abord par la Direction générale du contrôle budgétaire puis par la Direction du Trésor et de l’ordonnancement. Ce n’est pas le cas des dépenses des rémunérations qui sont plutôt liquidées au niveau de la Direction de la paie. Ça ne passe pas par le contrôle budgétaire. Donc, c’est une dépense exceptionnelle. Déjà cette dépense-là, telle que c’est prévu, c’est une dépense exceptionnelle. Ce qui prend déjà 80% des recettes de l’Etat. Lorsque ces dépenses sont ordonnancées, ça prend un circuit dans lequel le comptable public n’est pas positionné. Ça passe de l’ordonnancement au ministère des Finances, puis du ministère des Finances à la Banque centrale. Aucun comptable n’est positionné sur le circuit de cette dépense-là. Aucun comptable ne comptabilise ces dépenses-là. Donc, on peut dire aujourd’hui valablement que la plus grande partie des dépenses de l’Etat, même plus de 80%, ne sont pas comptabilisées. En dehors des dépenses relatives au fonctionnement du ministère qui sont destinées au Code comptable pour lequel le comptable passe des écritures, les autres dépenses tel que le paiement en faveur des opérateurs économiques ne sont pas comptabilisées parce que souvent virées dans le compte de ces opérateurs économiques sans passer par le comptable », a confié Jean Pierre Samolia à DESKECO.COM, à l’issue de son exposé sur la Loi relative aux finances publiques dans l’atelier organisé par l’ODEP en partenariat avec COREF sur les politiques financières et le processus de suivi budgétaire.

Et d’ajouter : « Prenons le cas des dépenses payées aux opérateurs économiques dans le cadre du Procès Kamerhe. Ces dépenses-là ne sont pas passées par un comptable public. Aucun comptable n’a comptabilisé ça parce qu’il y a eu un virement des crédits directement dans les comptes de l’opérateur économique. Sur le circuit de virement de crédit, il n’y a pas de comptable public. Ce n’est pas le fait que le comptable ne veut pas faire le travail mais ils ne sont pas positionnés sur le circuit de la grande partie des dépenses exécutées ».

De son avis, pour mieux tenir la comptabilité de la RDC, il faut modifier le circuit de la chaine de la dépense en positionnant le comptable public après l’ordonnancement. « Après l’ordonnancement, le titre de la dépense devrait aller chez le comptable public. Et, c’est le comptable public, tel que c’est prévu aujourd’hui par le Règlement général de la comptabilité publique, qui doit donner ordre à la banque centrale pour décaisser les fonds. C’est ce qui est prévu. Aujourd’hui c’est l’ordonnateur qui donne ordre à la banque centrale pour décaisser. C’est le comptable public qui doit donner l’ordre à la banque de payer et quand il le fait il a toute la situation pour passer les écritures comptables », a-t-il ajouté.

Il s'en suit que par exemple la loi sur la reddition des comptes se fait sur base juste des statistiques et non des pièces comptables, soutient Jean Pierre Samolia.

L’atelier de l’ODEP en partenariat avec le COREF va permettre aux organisations de la société civile à mieux préparer leur participation aux conférences budgétaires 2021, à l’examen du projet de loi des finances 2021 et à la production de leur rapport de contrôle citoyen de l’exécution des lois des finances 2017, 2018 et 2019. L’objectif global de l’organisation de cet atelier est d’améliorer les connaissances techniques des acteurs des OSC sectorielle dans le monitoring de la politique Financière et du processus budgétaire.

Amédée Mwarabu

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