Mines: Victimes de la corruption, des congolais se sont présentés au service de répression des fraudes graves britanniques

ACTUALITE.CD
PAR Deskeco - 30 jan 2020 10:36, Dans Mines

16 ressortissants de la RDC parmi lesquels des chefs coutumiers, des représentants des communautés et d’anciens travailleurs de la mine de Kingamyambo Musonoi Tailings (KMT) qui a été vendu à Dan Gertler se sont présentés mardi dernier au Serious Fraud Office (SFO, service de répression des fraudes graves britannique). Ils disent être des victimes potentielles de  corruption.

L’origine de l’affaire…

La mine de KMT, site riche en résidus de cuivre et de cobalt, considérée comme l’un des fleurons des actifs miniers congolais, avait été acquise par Dan Gertler en 2010 après que le gouvernement congolais a révoqué la licence d’exploitation minière du précédent propriétaire de la mine, First Quantum Minerals Ltd. Selon les détails fournis dans un rapport de l’ONG britannique RAID, elle a ensuite été octroyée à un groupe de sociétés appartenant à Dan Gertler pour une fraction de sa valeur et a été revendue à ENRC à un profit considérable. L’ONG explique aussi qu’une action légale contre les actes de corruption qui ont entraînés l’annulation de la licence et la fermeture de la mine a été intentée aux États-Unis mais que les conséquences dévastatrices pour les victimes congolaises de la corruption.

Les victimes locales de la corruption…

À partir de leurs recherches approfondies sur le terrain et de l’analyse judiciaire de plus de 2 000 pages de documents pertinents liés au contrat d’exploitation minière, les organisations  RAID et AFREWATCH ont constaté que la vie d’environ 32 000 habitants congolais vivant dans douze communautés situées sur le site de la mine de KMT ou aux alentours, ainsi que celles de 700 travailleurs congolais de la mine de KMT, ont été affectées de manière dramatique et négative par conséquence directe du retrait corrompu de la licence d’exploitation minière de First Quantum dans le cadre du « stratagème de corruption en RD Congo ».  Pendant neuf ans, entre 2009 (quand la licence d’exploitation minière de KMT a été retirée à First Quantum) et 2018 (quand ENRC/ERG a relancé certains projets de développement des communautés), les habitants locaux vivant sur le site de la mine ou à proximité ont été privés de tous les avantages que le 

projet s’était engagé à fournir et dont, dans certains cas, ils avaient commencé à bénéficier.

Ces avantages ont été supprimés du jour au lendemain après la fermeture de KMT. Le second groupe se compose d’environ 700 travailleurs congolais, avec les personnes à leur charge, employés par First Quantum ou ses sous-traitants, qui ont subi un préjudice lorsqu’ils ont brusquement perdu leur emploi et les avantages connexes suite à la fermeture soudaine de la mine de KMT. 

Des avantages perdus…

Dans un rapport publié mardi, ces organisations soutiennent que toute action en justice contre des organisations ou des personnes impliquées dans des affaires de corruption devrait reconnaître les victimes et les inclure dans toute indemnisation qui pourrait se présenter. L’ONG note que le projet minier de First Quantum était plein de promesses pour les habitants locaux. Elle explique aussi que la Société financière internationale (SFI), la branche de financement du secteur privé de la Banque mondiale, était un investisseur crucial et avait exigé que le projet de First Quantum offre des avantages sociaux et environnementaux concrets aux communautés locales et des normes plus élevées pour les travailleurs locaux. 

Cependant, immédiatement après l’annulation de la licence d’exploitation minière de First Quantum, tous les projets de développement ont été abandonnés et près de 700 travailleurs congolais ont perdu leur emploi. La SFI avait  été contrainte de sortir du projet de mine de KMT et avec son départ, les engagements sociaux et environnementaux, et les garanties et la surveillance fournis par la SFI avaient pris fin.

Le principe…

RAID suit le dossier, particulièrement sa prise en charge par le Serious Fraud Office (SFO, service de répression des fraudes graves), le principal organisme britannique chargé de lutter contre la corruption à l’étranger, qui mène des enquêtes sur ENRC. Lesquelles sont « centrées sur les allégations de fraude, de pots-de-vin et de corruption autour de l’acquisition d’actifs miniers considérables ». L’investigation se concentre sur trois transactions au Congo, y compris concernant des retraits en espèce prétendument liés à l’achat par ENRC du projet minier de Kolwezi en 2010.

L’ONG note que la perception traditionnelle de la corruption est qu’elle entraîne principalement des préjudices d’ordre financier et économique. Elle soutient que la reconnaissance du statut de victime se limite aux entreprises ayant perdu des appels d’offres, aux actionnaires qui ont subi une perte à leurs investissements ou aux organismes publics qui ont payé un montant excessif pour un contrat. 

« Lorsqu’une indemnisation est accordée, elle est souvent adressée à l’État hôte où la corruption a eu lieu. Par exemple, sur les 603 millions de GBP imposés aux entreprises pour des affaires de pots-de-vin et de corruption à l’étranger par le SFO entre 2015 et 2019, seuls 33 millions de GBP ont été prélevés au titre d’indemnisation. La vaste majorité de cette indemnisation a été allouée aux États hôtes. Les victimes directes touchées par la corruption n’étaient représentées dans aucune de ces causes », dit-elle.

En application du Principe 3 des Principes d’indemnisation (General Principles to compensate overseas victims [including affected States] in bribery, corruption and economic crime cases – Principes généraux visant à indemniser les victimes à l’étranger [y compris les États concernés] dans les affaires de pots-de-vin, de corruption et de crimes économiques) : RAID recommande au SRO Identifier et inclure systématiquement les victimes de la corruption individuelles et à l’échelle des communautés dans les affaires de corruption à l’étranger en s’appuyant sur une définition plus large du préjudice. La prise en compte de ces victimes devrait démarrer dès la phase d’enquête, contribuer aux décisions d’accusation et garantir leur participation dans les procédures, condamnations ou règlements ultérieurs. Elle recommande aussi à l'organisme de dééfinir les victimes de la corruption à l’étranger de manière large et inclusive. Les recommandations doivent aller au-delà d’une prise en compte de l’État et inclure les communautés et les individus.

 

 

 

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