RDC: l'enjeu électoral reste le changement de modes de vote des députés et du président de la République (Tribune de Jo Sekimonyo)

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PAR Deskeco - 10 juil 2020 08:58, Dans Analyses

Il existe deux sources de légitimité sous le semi-présidentialisme, l'élection présidentielle et l'élection parlementaire. Dans les démocraties consolidées, cela ne constitue pas une menace pour le système politique, mais cela peut provoquer des tensions au sein de l'exécutif dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques. Dans un nouvel usage d’un système d’expression politique truqué de partout par une clique pour éviter de faire face au verdict populaire, une élection est un gâchis social.

Il faut admettre qu'avec Jésus-Christ ou le prophète Mahomet, pour ne pas dire Buddha ou Lucifer en personne à la tête de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) lors des élections de 2018, les résultats auraient été les mêmes. Il était inévitable que la présidence de la République soit remportée par un membre de l'opposition, soit LAMUKA ou le Cap pour le changement (CACH), et le Front commun pour le Congo (FCC) emporte sur tout le reste. Il s'agissait moins de l’état moral des arbitres mais plutôt des règles du jeu. Le vote par liste, le vote indirect et un seul tour présidentiel nous ont amenés là où nous en sommes. D'un point de vue socio-économique, les Congolais devraient se préparer à un voyage plus inquiétant, né de la défiguration de la démocratie.

Félix Tshisekedi a été proclamer vainqueur de l’élection présidentielle 38,57 percent de voix. Ce qui veut dire que son programme social et économique a été désavoué ou non préféré par la majorité des électeurs. Puisqu'il n'y a pas eu de second tour, il n'a pas eu l'occasion de convaincre plus de Congolais de ses programmes ou d'être définitivement rejeté. Avec le vote par liste, un parlementaire doit plus son siège à l'autorité morale du parti qui peut le lui ravir qu'aux électeurs. Le FCC a remporté les législatives d’une façon mathématique. Ainsi, le Président de la République tout comme le Premier Ministre, via l'Assemblée, ne peut sans aucun doute prétendre être la source légitime de l'autorité politique ou avoir le mandat du peuple.

Dans une juvénile démocratie comme la RDC, en adoptant encore une fois le semi présidentialisme sans tenir compte de notre passé politique et de notre richesse culturelle qui est en soi devenu une plaie sociale dégoûtante, la multitude des tribus, le décor a été planté soit pour une impasse dangereuse entre deux camps, encourageant peut-être les militaires à intervenir pour sortir de l'impasse, soit pour que le président ou le Premier ministre prenne le pouvoir unilatéralement. D'autant plus dangereux lorsqu'un camp est chapeauté par l'actuel président et un autre par l'ancien chef de l'Etat. Pire encore, comme déjà démontré, aucun des plans sociaux et économiques des deux camps n'a été approuvé par la majorité des Congolais et ils ne semblent pas s'en soucier.

La modernisation politique, sociale et surtout économique d'une nation exige que les compétences modernes individuelles soient rassemblées et enveloppées dans des pensées modernes et toutes liées entre elles par l'esprit moderne. Mais les rivalités entre différent cliques des élites depuis l’indépendance de la RDC jusqu’à nos jours ont réduit les Congolais à des créatures vivantes qui cherchent à survivre et à se reproduire. Pour ce but primitif et ce cadre social, nous nous affirmons sans relâche et sauvagement contre les autres. Nous les rejetons, les dépassons, les écrasons même si cela est nécessaire pour ceux qui promettent ou aident à s'élever socialement et financièrement. Ceux au bas de la pyramide sociale semblent perpétuer l'injustice économique. Cependant, comme dans un pays pauvre, les élites semblent également ignorer qu'elles ne sont ivres que de l'illusion de l'opulence.

La question la plus critique ou quel devrait être le défi de mon contemporain devrait être érigée de la manière la plus simpliste : pouvons-nous léguer à la prochaine génération de meilleures perspectives pour une vie moderne ? Nous venons juste d’assister un autre spectacle ou une démonstration dédaigneuse de biceps politiques au lieu des manœuvres pour résoudre cette énigme. Ce spectacle morbide ne dégoûte ni le président Félix Tshisekedi, le guide du CACH, ni son prédécesseur Joseph Kabila, le garant du FCC, ou encore moins le reste de la nation.

La marche contre la désignation de Ronsard Malonda à la tête de la CENI est non seulement outrageusement dramatique, mais aussi sans rapport avec la réelle frustration. En maintenant le vote par liste et indirecte et un seul tour pour l’élection présidentielle, avec ou sans Malonda, ce n'est pas la crédibilité des élections qui sera remise en cause mais plutôt sa pertinence, puisque la volonté du souverain ne se manifestera pas. C'est saboter la perspective de briser l'humiliation sociale et économique congolaise quotidienne. Le contraire, en éliminant le vote par liste et indirecte et réinstaurant la majorité absolue pour l’élection présidentielle, avec Malonda, il sera question de la crédibilité des élections et non pas sa pertinence ce qui est un problème bien meilleur et digestible. Cela créerait un contexte pour galvaniser organiquement les Congolais autour des opportunités sociales et financières contemporaines.

Toutefois, il semble que le FCC et le CACH tout comme LAMUKA et l’église catholique se sont rendu compte que les accrochages politiques amusent suffisamment les Congolais pour qu’ils ne prêtent pas attention au vrai crime : l'incapacité de tous ensemble ou individuellement à formuler et ensuite à mener des réformes sociales pragmatique et stable ou à actualiser nos méthodes et dispositions commerciales. Hélas, c’est au prix des vies humaines et au risque de défaire les toiles déjà fines de notre économie.

Jo M. Sekimonyo

www.sekimonyo.com

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