RDC : sommes-nous préparés à vivre avec la COVID-19 dans sa forme endémique? (Tribune de Dr Jean Michel Kayumba et Dr Bob Lubamba)

Covid-19
PAR Deskeco - 22 juin 2020 08:06, Dans Actualités

RDC : sommes-nous préparés à vivre avec la COVID-19 dans sa forme endémique? (Tribune Dr Jean Michel Kayumba et  Dr Bob Lubamba)

Une étude de Harvard T.H. Chan School of Public Health à Boston (USA) utilisant des modèles mathématiques pour projeter la dynamique de transmission du SARS-CoV-2 durant et après la pandémie a conclu que le coronavirus deviendra endémique comme la variole, le SIDA, la fièvre hémorragique, Ébola   et d’autres coronavirus (H5N1, H1N1, SRAS, MERS). 

L’endémie se définit, selon le Center for Disease Control and Prevention (CDC) et Organisation mondiale de la Santé (OMS), par la présence habituelle d’une maladie, en générale infectieuse, dans une population déterminée ou une région précise, avec une incidence stable : la malaria est endémique dans de nombreux pays africains comme la RDC. 

Le taux de reproduction d’un virus (R0) est le nombre moyen de nouveaux cas causés par un patient infecté dans une population sensible. Si R0 est supérieur à 1, le nouveau virus va envahir toute la population sensible ; si R0 est inférieur à 1, petit à petit les malades contaminent moins de personnes et donc l'épidémie peut s'atténuer voire disparaître; si le R0 est égal à 1, un patient infecté contamine une autre personne en moyenne avec comme avantage l’aplanissement de la courbe de progression, ce qui est l’objectif poursuivi par les mesures barrières (confinement, distanciation sociales et respect des mesures d’hygiènes).

En l’absence d’un traitement spécifique contre la COVID-19, le respect des mesures barrières par les individus constituent les stratégies essentielles pour aplanir la courbe de progression de la COVID-19 et éviter un débordement du système de santé déjà fragile tout en protégeant les personnes les plus vulnérables. 

La stratégie à court terme de confinement visant à réduire le taux de reproduction en dessous de 1. Si le confinement et les gestes barrières sont respectés, une personne infectée ne pourra le transmettre qu’aux autres personnes de son foyer et donc l'épidémie peut s'atténuer voire disparaître. L’exemple de la Chine a montré que la fermeture d’entités commerciales, des écoles, des universités et tous les lieux d’agglutination de masse aux conséquences économiques incalculables a néanmoins était une approche salvatrice ayant permis de sauver des milliers d’individus selon les estimations mathématiques et statistiques.

Néanmoins le confinement, bien que salutaire a ses limites notamment les conséquences socio-économiques lorsque prolongé de façon indéfinie ou indéterminé surtout dans les pays avec une économie extravertie avec déjà un faible produit intérieur brut (PIB) et sans réserve stratégique comme la République Démocratique du Congo (RDC).

Un consensus se forme parmi les meilleurs épidémiologistes du monde entier sur le fait qu'il est peu probable que le virus soit contenu, malgré des mesures de confinements coûteux qui ont mis une grande partie de l'économie mondiale à l'arrêt. Certains experts de la santé publique demandent que le virus soit autorisé à se propager de manière contrôlée dans des populations plus jeunes comme l'Inde, tandis que des pays comme la Suède ont choisi de ne pas appliquer de strictes interdictions.

Le Dr. Michael Ryan, directeur chargé des urgences de l’OMS, a déclaré qu'il était important d'être réaliste concernant l'évolution de la pandémie actuelle du COVID-19: " Ce virus pourrait devenir endémique dans nos communautés, il pourrait ne jamais disparaître ", a-t-il déclaré. 

Le Pr. Jean Jacques Muyembe Tanfum, Responsable de la riposte contre le COVID-19 en RDC, a déclaré l’hypothèse de la progression du SARS-CoV-2 vers une forme endémique lors de son dernier point de presse. Devant l’impossibilité de continuellement affaiblir les équilibres économiques mondiales déjà en récession et de prévenir des conséquences socio- économiques désastreuses, le gouvernement de la RDC devrait déjà penser l’après confinement. 

La pandémie à SARS-C0V-2 a permis d’exposer la fragilité du système de santé RDC dans son ensemble à travers tous ses six piliers (Leadership, gouvernance, infrastructure, recherche-développement, ressources humaines et financement), elle offre une opportunité pour une réflexion plus critique sur la qualité et l'efficacité des interventions dans le secteur de la santé publique en RDC. Dans cette situation actuelle de pandémie, les décideurs politiques devraient prêter attention au système de santé.

L'Assemblée nationale de la RDC a voté en faveur d'un projet de budget qui consacre que 2,4 %  de son budget national annuel à la santé contrairement à la déclaration d’Abuja d’Avril 2001 en faveur d’une augmentation par tous les pays Africains du budget alloué à la santé à 15%,  en plus près de la moitié de toutes les dépenses de santé étant financées directement par les ménages sur le lieu des soins avec un apport inadéquat, inefficace et non intégrante des investissements directs étrangers par les bailleurs des fonds ( fonds mondial ) et autres organisations et gouvernements.

La population de la RDC plus de 70% de la classe ouvrière qui se retrouve dans le secteur informel et sans sécurité sociale ni assurance maladie. Les problèmes du système de santé en RDC peuvent se résumer à des faiblesses dans la qualité des services et soins offerts, dans les infrastructures et équipements vétustes et en état de délabrement avancé, la faible disponibilité des médicaments et la persistance de la circulation des médicaments de mauvaise qualité ainsi que des faibles montant des dépenses totales de santé et niveau très bas de l’allocation des ressources publiques au secteur de la santé.  

De ce fait, nous suggérons :

L’augmentation de l’allocation budgétaire en matière de sante publique à 15% selon les recommandations du sommet d’Abuja 2001, cela permettrait d'augmenter les investissements dans les équipements médicaux, les infrastructures et autres intrants;

La prestation de services devrait donner priorité aux personnes vulnérables (enfants, personnes de plus de 65ans d’âges, les personnes avec antécédents de diabètes, hypertension, maladies cardio-vasculaires, insuffisance rénales) prouvées susceptibles de développer les formes graves de la covid-19;

Augmenter le niveau des ressources humaine en qualité, quantité et répartition géographique ;

Le renforcement des soins de santé primaire en brisant le déséquilibre entre investissement horizontal et vertical au système de santé (Déclaration de Alma Ata 1978);

Le gouvernement, selon un système de subvention, devrait faire participer le secteur privé aux efforts d’éradication et de surveillance de la covid-19, cela pourrait contribuer à atténuer les contraintes de capacité du secteur public;

Le renforcement des services communautaires dans l’effort de surveillance et de traçabilité des contacts ainsi que dans l’effort de vulgarisation des mesures de sante publique;

La numérisation du système de santé en introduisant le système de consultation virtuelle, l’introduction du système de dossier de santé électronique;

Accélérer les progrès en vue de la couverture sanitaire universelle portant sur un leadership politique et une vision stratégique claire.

Dr Jean Michel Kayumba MD MPH    

Dr Bob Lubamba PhD 

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