Noel K. Tshiani, Bonny Maya et Ruddy Mukwamu : "Les start-ups tech congolaises proposent des solutions innovantes pour prévenir la propagation du Coronavirus"

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PAR Deskeco - 15 avr 2020 08:55, Dans Actualités

Alors que le monde est confronté à une crise sanitaire sans précédent due à la pandémie du Coronavirus, diverses initiatives des secteurs public et privé à travers le monde sont envisagées afin d’agir de manière appropriée pour éviter que les populations ne tombent malades. Dans cet entretien exclusif, Desk Eco reçoit les membres de Congo Business Network : Noel K. Tshiani, fondateur de Agere Global ; Bonny Maya, directeur général de Tinda et eMart.cd et Ruddy Mukwamu, directeur général de MaxiCash, pour échanger sur la diaspora congolaise et les solutions tech que les habitants de Kinshasa peuvent utiliser durant la période de confinement de Kinshasa. 

Propos recueillis par Amédée Mwarabu

Desk Eco : Noel K. Tshiani, Bonny Maya et Ruddy Mukwamu, parlez-nous de vos parcours et présentez-vous à nos lecteurs.

Noel K. Tshiani : Je suis né en République démocratique du Congo. Et j'ai vécu aux États-Unis depuis 1996, ou 23 ans maintenant. De plus, je suis le fondateur de Agere Global, une société de conseil en investissement et stratégie commerciale basée à New York. En même temps, j’ai fondé Congo Business Network, un réseau d'affaires international des entrepreneurs congolais qui a pour mission de connecter les entrepreneurs afin d'agir pour contribuer au développement du Congo. 

Bonny Maya : Je suis natif de la République démocratique du Congo, où j’ai toujours vécu avec ma famille et aussi fait mes études. Après une carrière professionnelle dans une dizaine d’entreprises basées à Kinshasa, j’ai fondé, en 2016, eMart.cd, une plateforme e-commerce de vente des produits alimentaires et en 2018, Tinda, un service de livraison à domicile et en point relais.

Ruddy Mukwamu : Je suis né en République démocratique du Congo, où j'ai fait mes études primaires et secondaires. Ensuite, j’ai poursuivi mes études en informatique en Afrique du Sud. J'ai débuté ma carrière professionnelle à Johannesburg avant de me lancer en entrepreneuriat. Et j'ai échoué plusieurs fois en tant qu'entrepreneur avant de me stabiliser en 2013 avec mon entreprise Pluritone. En 2016, nous avons lancé MaxiCash, notre solution de paiement en ligne qui finit par être classée parmi les 100 meilleures start-ups fintech en Afrique. 

Desk Eco : Congo Business Network a mis la tech au centre de ses actions, pourquoi est-ce important pour vous ?

Noel K. Tshiani : Depuis le début de la création de Congo Business Network en octobre 2018, nous avons mis la tech au centre de nos actions car elle est le moteur qui anime toutes les économies développées en Asie, en Amérique, en Europe ou en Afrique aujourd'hui. Les secteurs prioritaires tels que l'agriculture, l'énergie, l'éducation et la santé ont tous besoin de solutions tech telles que l'Internet et les réseaux de télécommunications pour permettre aux travailleurs d'être productifs et de réduire les inefficacités.

C'est pourquoi nous travaillons aujourd'hui avec des start-ups tech majeures congolaises telles que Tinda, eMart.cd, MaxiCash, Eteyelo, MEDpay, Onboard, Ebutelo, Fly243.com et Mwinda Technologies pour les assister dans leur processus de développement auprès des médias, des partenaires commerciaux et des investisseurs car l'avenir économique du Congo dépend de ces solutions tech qui peuvent résoudre les problèmes des Congolais au niveau local.

Desk Eco : Ayant vécu aux Etats-Unis d'Amérique pendant 23 ans, que y avez-vous vu dans le secteur de la tech qui peut aider l'économie congolaise à se développer ?

Noel K. Tshiani : Le fait d'avoir vécu dans la diaspora dans un écosystème start-up développé m'a donné l'opportunité de voir de très près l'émergence de grandes entreprises tech qui sont devenues des noms très connus en Amérique et à travers le monde aujourd'hui tels que Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft

Au Congo, nous devons avoir un environnement juridique qui favorise les entrepreneurs de créer et de gérer facilement des start-ups sans avoir à subir des contraintes réglementaires excessives et un environnement fiscal défavorable. L'adoption d'une loi sur la création de start-ups similaire à celle que le Sénégal vient de promulguer est un grand pas en avant pour le développement d'une économie. 

En assurant également que les entrepreneurs ont accès à des espaces de travail en commun abordables et à Internet haut débit, on stimulera considérablement l'émergence de start-ups tech surtout à Kinshasa. Le pays étant confronté à un défi sanitaire actuellement, le télétravail nécessitera accès à Internet haut débit pour pouvoir organiser des réunions vidéo en ligne.  

Desk Eco : Quels défis et opportunités voyez-vous dans le secteur de la tech en RD Congo ?

Noel K. Tshiani : Au niveau global, l'écosystème start-up est au commencement dans le pays. C’est nécessaire de créer des incubateurs et des accélérateurs qui peuvent accompagner les jeunes entrepreneurs dans le développement de leurs projets business. Mais ce que je constate comme un défi majeur est que la majorité des start-ups se trouvent dans le secteur informel sans des plateformes nécessaires de base telles qu'un site Internet bien développé, un logo professionnel, des pages sur les réseaux sociaux, des adresses électroniques professionnelles et un numéro de téléphone de la société. La professionnalisation des start-ups afin de leur permettre à se développer devrait être une priorité pour les secteurs public et privé. 

En ce qui concerne les opportunités, le Congo est béni d'avoir une population de 92 millions d'habitants, Kinshasa ayant près de 16 % de cette population, soit 15 millions. Près de 70 % de la population congolaise est âgée de 25 ans ou moins, soit 63 millions d'habitants. Cela signifie qu'il existe un besoin pour toutes sortes de services tech allant de la banque, à l'éducation, à la santé, au transport en commun et à l'analyse de la performance opérationnelle d’une start-up. Les opportunités business au Congo abondent et nous devons créer un environnement dans lequel les start-ups tech peuvent émerger et prospérer à Kinshasa et dans d'autres provinces à travers le pays.

Desk Eco : Quelles solutions proposez-vous chez Tinda et eMart.cd et comment avez-vous décidé de travailler dans ces secteurs ?

Bonny Maya : Tinda est un service de livraison à domicile et en point relais qui dessert 5 villes dans les deux Congo : Kinshasa, Brazzaville, Matadi, Lubumbashi et Goma. Nous assurons les livraisons des produits avec possibilité d’encaisser des fonds à la livraison.

eMart.cd vend et livre les produits alimentaires de qualité à domicile à Kinshasa, avec possibilité de payer à la commande ou à la livraison par cartes bancaires, monnaies électroniques ou en espèces.

Desk Eco : Quelle est votre analyse de défis et opportunités dans les secteurs de la logistique et du commerce en ligne en RDC aujourd'hui ?

Bonny Maya : Nous sommes tous appelés à limiter au maximum les contacts humains afin d’éviter la progression de la pandémie du Covid-19. Avec un achat en ligne, vous n’avez qu’un seul contact potentiel, le livreur qui vous apporte votre colis. Le défi serait d’assurer les livraisons tout en respectant les mesures d’hygiène et les règles de barrière afin de protéger le livreur et le bénéficiaire. Toute l'équipe de Tinda s’applique à respecter scrupuleusement ces recommandations sanitaires pour garantir la sécurité de nos livraisons.

Après la pandémie, les habitudes quotidiennes vont changer. Le commerce en ligne aura une place de taille dans les moeurs des Congolais, surtout à Kinshasa. Et il faudra par contre assurer la qualité de service et offrir le plus large assortiment tant dans le service client que dans les produits.

Desk Eco : Que peut faire le gouvernement pour soutenir la croissance des start-ups telles que la vôtre afin d'attirer des investisseurs et d'embaucher plus de collaborateurs ?

Bonny Maya : Une start-up appelée à lever des fonds doit passer par une due diligence, une étude approfondie menée par les investisseurs afin de vérifier les chiffres d'affaires, mesurer les risques appropriés, analyser les contextes économique, démographique et politique. 

La corruption qui gangrène notre pays est un cheveux dans la soupe, et le climat politique vacillant hausse le pourcentage de risque. 

Les promesses d’amélioration du climat des affaires ne sont que des intentions des dirigeants remplis de bonnes volontés tels que Anthony Nkinzo, de l'Agence nationale de promotion des investissements. Tout est gâché par ce sous-fifre qui se pointe dans nos bureaux pour nous pourrir la journée avec des taxes qu’il reste le seul à connaître en profondeur ou par l’agent de sécurité routière qui se fait plaisir dans ta poche en te récitant les codes d’infractions routières que tu aurais commises qu’il a mémorisés sans te présenter où tout cela est mentionné, avec l’encadrement de ses chefs restés au bureau en attente des versements quotidiens illicites.

Un nettoyage en profondeur de notre pays devra être fait. Une purge de mauvaises pratiques et de mauvais pratiquants qui empêchent l'émergence de start-ups prometteuses dans divers secteurs. 

Desk Eco : Comment et pourquoi avez-vous choisi le secteur de la fintech et quelles sont les solutions que vous proposez ?

Ruddy Mukwamu : En 2009, nous lançons l’un des premiers sites de commerce en ligne en RDC, maxishopcongo.com. Nous vendions d'articles divers en prenant de l'inspiration de Amazon aux États-Unis et Fnac en France. En voulant devenir le Amazon congolais, nous nous sommes retrouvés avec un challenge : les clients ne savaient pas comment payer et nous étions forcés d'arrêter les activités. En analysant le marché africain en 2015, nous avons réalisé que les sites de commerce en ligne commençaient à pousser comme des champignons, mais il n’y avait toujours pas des solutions de paiement personnalisées pour le marché local. Nous nous sommes donc lancés dans le développement de solutions de paiement électronique, également appelé fintech (financial technology).

Nos solutions comprennent les plateformes suivantes :

  1. Une passerelle de paiement en ligne, le MaxiCash Gateway, utilisé par les entreprises, les églises, les organisations à but non lucratif et les entrepreneurs pour recevoir des paiements en ligne dans leurs sites Internet. 
  1. Une carte Visa MaxiCash, qui permet à une personne de faire des achats en ligne et dans un magasin sans avoir un compte bancaire.
  1. Une application MaxiCash App, qui permet aux clients de gérer la carte Visa, faire des achats d'unités, de payer des réabonnements à la télévision et faire des paiements à distance.

Desk Eco : Durant la période de confinement à Kinshasa, comment MaxiCash peut-il être utilisé pour se protéger contre le risque de la propagation du Coronavirus ?

Ruddy Mukwamu : Aujourd’hui plus que jamais il est temps pour les entreprises et les particuliers congolais de se protéger de la pandémie du Covid-19 en faisant l'usage des solutions qui favorisent des transactions à distance pour limiter au maximum les contacts humains.

MaxiCash offre des solutions de paiement suivantes pour les entreprises et les particuliers :

  1. Pour les entreprises, le MaxiCash Gateway permet de recevoir des paiements en ligne avec les cartes bancaires et avec le mobile money. Les entreprises peuvent utiliser cette plateforme pour lever de fonds de la diaspora à l'étranger.
  1. Pour les particuliers, MaxiCash offre la carte Visa MaxiCash, avec sa technologie de paiement sans contact (NFC), permettant d’acheter dans les meilleurs sites d’e-commerce congolais et étrangers en toute sécurité. 
  1. Pour toute autre personne, MaxiCash offre son application, MaxiCash App qui permet aux gens d'effectuer des paiements à distance sans vous déplacer.

Desk Eco : Quels sont les défis et les opportunités dans le secteur de la fintech en RDC et quelles sont les principales tendances pour les deux prochaines années ?

Ruddy Mukwamu : Le plus grand défi de la tech aujourd'hui est le manque de la connectivité. Le taux de pénétration des smartphones est de loin meilleur qu'en 2009 (près de 16 millions d'utilisateurs Internet en 2010), et ça donne de l'espoir à nos entreprises pour trouver des clients. Mais tant que le coût d'Internet et l'accès à Internet haut débit ne sont pas résolus, nos entreprises connaîtront une lente croissance. 

Aujourd'hui, à cause de la pandémie du Covid-19, nous voyons une urgence de la population et un engouement de donner une chance à des solutions tech. C'est une grande opportunité pour nous les entrepreneurs de démontrer que nous pouvons trouver des solutions digitales pour nos problèmes en Afrique, et plus particulièrement en RDC en utilisant le numérique. 

Pour les deux prochaines années, nous prévoyons encore plus d'entreprises de vente en ligne, mais beaucoup vont échouer en faisant du copier-coller. Beaucoup d'entreprises et même les entreprises publiques vont adopter la tech dans leurs opérations. Et les start-ups fintech telles que MaxiCash seront prêtes à les accompagner car chaque entreprise, grande ou petite, a besoin de flux de trésorerie et d'avoir une plateforme digitale pour recevoir des paiements pour optimiser les opérations quotidiennes. 

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