RDC : L’objectif prioritaire devrait être le plein-emploi de la main d’œuvre qualifiée et de celle non qualifiée

PAR Deskeco - 01 avr 2018 14:54, Dans Analyses

Si le rythme de 4 à 5 de taux de croissance est maintenu, la RDC peut atteindre 10.000 USD de PIB par habitant à l’horizon 20150, soutient l’économiste, Dédé Mulosa Kabongo Ngoy, sur DESKECO.COM. Cet article a fait réagir le doctorant Jean-Paul K. Tsasa qui, lui estime même qu’un PIB per capita de 10 000 USD d’ici 2050 ne devrait jamais être porté au sommet de l’agenda politique dans un pays comme la RDC.

Tribune.

Trois questions sur la macrodynamique à long terme de l’économie congolaise

Le mouvement est le propre de toute activité économique. Les faits empiriques attestent que les économies modernes sont caractérisées, sur longue période, par une progression quasi continue du produit intérieur brut (PIB). Ce phénomène est ce que l’on assimile communément à la croissance économique. Par définition, la croissance économique désigne l’accroissement de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée (cf. Système de comptabilité nationale, version 2008). L’indicateur le plus utilisé pour évaluer la croissance économique est le rythme d’évolution du PIB réel (ou alternativement PNB réel). Ce dernier permet d’isoler l’effet inflationniste dans le calcul du volume de production réalisé par une économie durant une période donnée.

Par ailleurs, afin de prendre en compte les effets de la dynamique démographique sur la répartition de la richesse d’un pays, les économistes recourent le plus souvent au PIB per capita (PIB réel par habitant) qui est le rapport entre le PIB réel et la population totale. En 1960, le PIB per capita de la RDC se chiffrait à 988,98 USD contre 388,27 USD en 2017 (Source : WDI Banque mondiale, 2018). Son plus bas niveau a été atteint en 2002 (262,97 USD) et son plus haut niveau en 1974 (1079,83 USD).

L’analyse de la dynamique du PIB per capita de la RDC soulève plusieurs questions, à la fois d’ordre économique, institutionnel et socio-politique. Mais ici, nous nous limiterons à répondre à trois questions relevant essentiellement d’une application des quelques règles mathématiques simples en macroéconomie.

Question 1 : Si le rythme du taux de croissance de 5% était maintenu, combien d’années faudra-t-il à la RDC pour atteindre un PIB per capita de 10 000 USD ?

Il est important de souligner ici le terme « maintenu » ; car cela justifie l’approche de calcul utilisée ici. En effet, étant donné le niveau du PIB per capita en 2016, à un rythme de 5%, il faudra à la RDC 66,58 ans pour atteindre un PIB per capita de 10 000 USD, ceteris paribus. À l’effet de parvenir à cette conclusion, il suffirait d’exploiter les propriétés logarithmiques sur la formule géométrique du taux croissance brut suivant : PIBHn/PIBHo = (1+g)^n, où l’inconnu est le paramètre n, c’est-à-dire le nombre d’années nécessaires pour atteindre la cible visée.

Question 2 : À présent, si la RDC ambitionnait d’atteindre un PIB per capita de 10 000 USD d’ici 2050, il lui faudra un taux de croissance de combien ?

Remarquons que cette dernière question est apparemment de même nature que la précédente, mais pourtant elles ne sont pas du tout identique. Car ici, nous cherchons à identifier le taux de croissance minimum pour atteindre notre cible.

Supposons qu’en fin 2018, le PIB per capita serait de 420 USD. En effet, entre 2010 et 2016, le taux de croissance moyen a été d’environ 3,35% (Source : WDI Banque mondiale, 2018). Ceteris paribus, il faudra à la RDC de réaliser un taux de croissance d’au moins 10,69% en moyenne annuelle entre 2019 et 2050 pour d’atteindre un PIB per capita de 10 000 USD d’ici 2050.

Image retirée.Question 3 : Pourquoi à notre avis l’objectif ultime de réaliser un PIB per capita de 10 000 USD d’ici 2050 ne devrait jamais être porté au sommet de l’agenda politique dans un pays comme la RDC ?

L’objectif prioritaire qui devrait capter l’attention des politiques est celui de plein-emploi à la fois de la main d’œuvre qualifiée et de celle non qualifiée. Remarquons bien les qualificatifs « qualifiée » et « non qualifiée » associée à l’offre du travail. En effet, si, d’une part, il est vrai que cet objectif n’est pas atteignable et que, d’autre part, il n’est pas en conflit avec l’objectif de croissance (par exemple : atteindre 10 000 USD d’ici 2050); il est important de souligner que les politiques sous-jacentes à mettre en œuvre pour l’approcher sont nettement différentes que si l’on se disait on veut 10 000 USD par personne d’ici 2050. En réalité, il est possible d’atteindre 10 000 USD d’ici 2050 avec, en parallèle, une augmentation de la pauvreté et une aggravation des inégalités (exclusion sociale). Dans quelques-uns de nos articles et livre, mes co-auteurs et moi présentons quelques politiques dites « non conventionnelle » pouvant aider une économie comme celle de la RDC d’approcher progressivement l’objectif de plein-emploi à la fois de la main d’œuvre qualifiée et de celle non qualifiée. Si l’occasion nous est présentée dans les jours à venir, nous pourrions en effet revenir plus en détail sur ce dernier point.

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Jean-Paul K. Tsasa

Économiste congolais (en formation doctorale, Canada)

Quelques références sur l'auteur
1. Banque mondiale, 2013, Système de comptabilité nationale 2008, 688p.
2. Banque mondiale, 2018, World Development Indicators (WDI), Data - TheWorld Bank Group.
3. Kabuya, François K. et Jean-Paul K.Tsasa, 2018, Macroéconomie. Fondements, Microfondements et Politiques. Éditions Hermann, 644 p.
4. Mavungu, Marina, Jean-Baptiste Ntagoma et Jean-Paul K. Tsasa, "Inclusivité et Marché du travail : Approche par le modèle DSGE non-ricardien", Revue congolaise de politique économie, vol. 2. no. 2, 141-193, septembre.
5. Tsasa, Jean-Paul K., 2017, Guerres civiles, Dépenses militaires et Performances économiques, Accepté pour publication à la Revue d'analyse économique, Société Canadienne de Science Economique, July.
6. Tsasa, Jean-Paul K., 2018, Croissance économique, dynamique du marché du travail et vieillissement en Afrique des Grands Lacs, soumis au numéro 158 de la revue Gérontologie et société « Pour une introduction à l’étude des vieillissements en  Afrique ».

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